Ce que l'on sait déjà sur la propagation du Covid-19 en Afrique subsaharienne en 10 points
Le Bureau régional de l'OMS pour l'Afrique a tenu une conférence de presse le 19 mars 2020.
Quelle est l'ampleur de la pandémie ? Les pays de la zone Afrique de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) sont-ils prêts à y faire face ? En ont-ils les moyens humains et matériels ? Autant de questions auxquelles les responsables de l'OMS ont tenté de répondre le 19 mars 2020, dressant un profil de la région Afrique – 47 pays de l'Afrique subsaharienne – dans la lutte contre le coronavirus. La zone comptait, au 20 mars, 455 cas sur les 769 répertoriés sur l'ensemble du continent africain (soit 0,3% des cas enregistrés dans le monde). Avec 150 cas, l'Afrique du Sud est le pays le plus touché dans la région Afrique de l'OMS.
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— WHO African Region (@WHOAFRO) March 20, 2020
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1L'Afrique subsaharienne, une région "relativement" peu touchée à l'instar de l'Amérique du Sud
C'est une question qui se pose depuis le début de l'épidémie en Chine. Pourquoi l'Afrique semble moins touchée que les autres régions du monde alors que ses liens étroits avec l'Empire du Milieu étaient, entre autres, source d'inquiétudes ? "Nous n’avons pas d’explication", répond d'emblée la directrice régionale de l'OMS pour l'Afrique, le Dr Matshidiso Moeti, interrogée sur cette évolution de la pandémie sur le continent. Elle souligne néanmoins que les chiffres ont cru "rapidement" ces "10 derniers jours". Le nombre de pays touchés est passé de "5 à presque 30" durant cette période. Depuis le début de l’épidémie, il y a trois mois, il y a eu "relativement peu" de pays africains affectés comparé à l’Asie et à l’Europe. "Nous avons également constaté qu’il y avait relativement peu de pays touchés en Amérique du Sud", a poursuivi la directrice régionale de l’Afrique pour l’OMS. "Nous nous demandions, et je ne dis pas que c’est notre opinion, si ce n’était pas lié à la grippe saisonnière parce que le coronavirus est similaire au virus de la grippe. Ainsi, nous pensions assister à une hausse dans un futur proche".
2Un virus importé d'Europe plutôt que de Chine
L’OMS s’est inquiétée, au début de l’épidémie, d'une propagation du virus dans les pays africains du fait de leurs relations économiques étroites avec la Chine. L'agence pensait que les premières contaminations viendraient de là. Mais les dispositions prises par la Chine, estime l'OMS avec du recul, ont certainement permis de contenir la propagation du virus, aussi bien à l'intérieur de ses frontières qu'à l'extérieur. Aujourd’hui, ce sont d’autres régions du monde qui sont les plus touchées, notamment l’Europe, qui est devenue l’épicentre de la pandémie.
En Afrique, les cas répertoriés sont, d'une part, des voyageurs arrivant du Vieux Continent avec la maladie – "c'est le cas aujourd’hui pour environ 27-28 pays africains", et d'autre part, une transmission locale due, pour la majorité des cas, à des "Africains ou à des voyageurs étrangers originaires d'autres régions provenant de pays européens". Face à l'évolution rapide de la propagation du virus, "notre principal objectif est d’aider les pays à contenir (la maladie) et à retarder ou à prévenir la transmission locale du virus", a indiqué le Dr Moeti.
Ces constats de l'OMS pourraient expliquer pourquoi de nombreux pays africains ferment aujourd'hui leurs frontières aux voyageurs venant d'Europe ou les mettent systématiquement en quarantaine.
More than 700 cases of #COVID19 have been confirmed in 34 countries in #Africa as of 20 March, compared with 147 cases about one week ago. This map shares an overview of importation patterns of COVID-19 cases in the @WHO African Region (19/03/20).
— WHO African Region (@WHOAFRO) March 20, 2020
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3La chaleur et l'humidité freinent-elles le coronavirus ?
La question est à l’étude, selon l’OMS. L’agence examine aujourd'hui les mécanismes de circulation de la grippe en Afrique subsaharienne mais, insiste le Dr Moeti, le Covid-19 est "un nouveau virus dont nous sommes en train d’essayer de comprendre le comportement". "Nous avons constaté, à l’instar des pays africains, que la propagation du virus dans ceux d’Amérique du Sud n’était pas la même que dans le Nord, poursuit-elle. Nous sommes en train d’essayer de comprendre si cela pourrait être relié à la température, au temps… Nous savons, sur la base des informations sur la grippe, que nous avons une grippe saisonnière distincte, notamment dans les pays du Sud et de l'Est du continent". En s'appuyant sur ces observations, l’OMS "s’attendrait", avec l’installation de l’hiver dans le Sud de l'Afrique dans quelques mois, à assister à "une hausse du taux de transmission de ce virus".
4Le "défi" du dépistage
La disponibilité des kits de dépistage est un "défi" à l'échelle mondiale et particulièrement en Afrique, souligne la directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique alors que l’agence souhaite que les pays africains se focalisent sur la détection des cas de Covid-19. Ce qui revient à dépister les gens dès que des symptômes apparaissent, à retrouver ceux qui étaient en contact avec les cas confirmés et à prendre les mesures idoines pour éviter la propagation du virus. Cependant, l’OMS s’est dit "encouragée" par les progrès faits dans la mise en place de dispositifs pour dépister la maladie. "Au début du mois de février, par exemple, il y avait seulement deux laboratoires en Afrique du Sud et au Sénégal qui étaient en mesure de diagnostiquer ce virus. Aujourd’hui, 40 pays en ont la capacité", a précisé le Dr Moeti.
5Des conditions de vie peuvent être favorables à la propagation du Covid-19 : adapter les gestes barrière au contexte africain
C'est un constat confirmé par le Dr Lucile Imboua-Niava, la représentante de l'OMS au Sénégal : certaines conditions de vie sur le continent sont propices à la contamination parce que beaucoup de personnes résident, par exemple, dans une même maison.
"Il est vrai que les conditions socio-économiques dans lesquelles de nombreux Africains vivent, notamment dans les zones urbaines, font de la distanciation sociale dans la façon dont elle est recommandée un défi", note le Dr Matshidiso Moeti. "Parfois, les familles vivent dans des maisons où chacun ne dispose pas d’une chambre. Certains doivent partager et parfois dormir dans le même espace (…) En outre, il y a des foyers qui n’ont pas d’eau courante. Par conséquent, la possibilité de se laver les mains dans les conditions recommandées – un lavage fréquent avec du savon – est un défi dans un tel contexte. Nous suggérons des approches qui s’adaptent à ces situations particulières. Par exemple, nous travaillons avec nos partenaires et les gouvernements pour mettre à la disposition des populations des gels hydroalcooliques aussi bien dans les structures de santé, que dans les familles. Nous devons réfléchir à la pratique de la distanciation sociale dans des familles où les gens vivent dans la promiscuité. Nous envisageons aussi différemment les choses quant à l’usage des masques. Ce sont des problématiques que nous prenons en compte dans nos équipes. Nous devrons adapter le plus possible à ces contextes les principes qui prévalent au fait de ne pas s'infecter les uns les autres (…). Nous sommes très conscients des défis qui se présentent et nous sommes en train d’examiner les façons d’innover pour y faire face (…)". Au total, utiliser des gels hydroalcooliques ou fournir les masques là où ils sont nécessaires sont quelques-unes des recommandations que l’OMS donne aussi bien aux institutions, qu’aux communautés sur le continent.
Sans compter, qu'en plus de l'accès à l’eau, la disponibilité du savon peut également poser problème, en particulier dans les zones rurales. Il l’est aussi pour les personnes déplacées. Mais comparé au gel, le savon peut être plus accessible dans certains endroits.
6Dispose-t-on d'une bonne estimation des personnes infectées par le Covid-19 sur le continent ?
Il est difficile d’avoir une estimation des personnes infectées parce que certains patients peuvent être asymptomatiques, a souligné la directrice régionale de l'OMS pour l'Afrique. Il semble que "c’est un virus qui arrive dans les pays par le biais des voyageurs qui proviennent des pays où l’infection circule", a déclaré le Dr Moeti. Les Etats travaillent ainsi à l’identification de ces éventuels porteurs, qui sont suivis au cas ils auraient contracté le virus. Quarantaine et dépistage comptent parmi les mesures appliquées. "Bien qu'il puisse y avoir des infections qui ne sont pas détectées, nous ne pensons pas qu’elles soient très nombreuses." Quant aux pays qui n’ont pas encore signalé de cas de Covid-19 – à savoir certains pays de l'Afrique de l'Est comme le Burundi et l'Ouganda –, le bureau régional de l’OMS indique que ces Etats ont mis en place des dispositifs "qui sont les mêmes" que ceux utilisés par les pays qui ont répertoriés des cas.
7Les pays africains peuvent se prévaloir de leur expérience passée pour lutter contre le coronavirus
L'expérience de la région Afrique face à d'autres épidémies est un atout aujourd'hui pour lutter contre le coronavirus. Les dispositifs mis en place pour Ebola et la grippe ont aidé à amorcer la lutte contre le coronavirus à de nombreux endroits sur le continent
8Les pays africains disposent-ils de respirateurs et de personnel qualifié pour faire face aux complications que peut générer le Covid-19 ?
L'OMS ne dispose pas de chiffres pour l'heure. Les informations sont en train d’être compilées (lits et personnel qualifié). L'agence onusienne "reconnaît" néanmoins que les pays africains ne sont pas bien lotis dans ce domaine. L’Afrique du Sud, qui dispose de l'un des systèmes de santé les plus développés de la région Afrique, a déjà admis que si la situation "explosait", ses capacités seraient mises à rude épreuve. L’OMS envisage d’aider les pays concernés à importer, par exemple, le matériel nécessaire : ventilateurs et sources d’oxygène. De même, l'organisation aide certains pays à adapter les infrastructures existantes pour traiter les premiers cas graves qui se présenteraient. Des formations sont également organisées à Dakar, au Sénégal, et à Brazzaville, la capitale congolaise qui accueille le bureau régional de l'Afrique.
9"Aucune preuve concluante" sur l'efficacité de la chloroquine, un antipaludéen bien connu en Afrique
Des études en Chine et en France, plus récemment, ont obtenu des résultats prometteurs en utilisant la chloroquine pour traiter les malades infectés par le coronavirus. Le président américain Donald Trump, lui, fait pression sur l'agence américaine du médicament (FDA) pour qu'elle valide l'option de la chloroquine pour soigner la maladie. "Aujourd'hui, nous n’avons connaissance d’aucune preuve concluante démontrant que la chloroquine pourrait être efficace pour traiter ce virus", a indiqué le Dr Moeti, le 19 mars 2020. L'OMS attend les résultats des essais faits sur des traitements possibles.
10Ne pas négliger les autres crises sanitaires
L’OMS collabore avec les Etats afin qu'ils puissent disposer d'au moins un mécanisme qui leur permet de gérer tous les problèmes sanitaires de façon simultanée. L'idée étant d'éviter toute crise qui pertuberait le système de santé et aurait des conséquences sur le traitement d'autres maladies. La directrice régionale de l'OMS a d'ailleurs appelé les médias à apporter leur aide dans cette démarche, afin qu'il soit possible de continuer à "donner des informations, en même temps, sur ces problèmes sanitaires et le coronavirus". "Quand j’allume ma télévision ou ma radio aujourd’hui, on ne parle virtuellement que de coronavirus", fait remarquer le Dr Moeti. Il serait bienvenu, selon elle, que les informations continuent de circuler sur les épidémies d'Ebola, de rougeole ou encore de choléra, notamment en République démocratique du Congo.
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