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Afrique: Jaha Dukureh milite pour l'éradication de l'excision d'ici 2030
Elle a figuré au top 100 des personnalités les plus influentes au monde du «Times». Elle a été désignée ambassadrice d’ONU femmes pour l’Afrique et nominée pour le prix Nobel de la paix 2018. Elle s’appelle Jaha Dukureh et vient de lancer à Dakar le Mouvement des Big sisters qui a pour objectifs les mêmes que les siens: rendre illégales les mutilations génitales féminines et les mariages d’enfants
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«Mon histoire a démarré quand j’avais une semaine, c’est à ce moment que j’ai été soumise à la pratique des mutilations génitales féminines (MGF). Je n’ai aucun souvenir de la procédure, et je n’en avais pas conscience jusqu’à l’âge de 15 ans, quand on m’a forcée à me marier.»
L'Africaine la plus influente du monde
C’est ainsi qu’en quelques mots Jaha Dukureh résume l’histoire de son engagement, très jeune, dans un combat qui a fait d’elle une des cent femmes les plus influentes du monde en 2016, selon le magazine américain Time et qui lui a valu d’être nominée le 7 février 2018 au prochain prix Nobel de la paix.
Naturalisée américaine en 2015, Jaha Dukureh est née en 1989 dans un petit village de Gambie où elle a effectivement été excisée à l’âge d’une semaine avant d’être promise en mariage à un homme qu’elle n’avait jamais rencontré et qu’elle a dû rejoindre aux Etats-Unis en 2004, alors qu’elle n’avait que quinze ans.
«Je pense qu’un mariage précoce est ce qu’il y a de plus difficile à endurer pour une fille dans sa vie. Quand on force une fille à se marier, on donne à un homme le droit de la violer au quotidien», écrit-elle dans un texte d'une totale liberté de ton publié sur le site ONU Femmes.
Au bout de deux mois de ce calvaire, elle réussit à quitter son mari et à se réfugier chez son oncle et sa tante, dans le Bronx. Elle les convainc, bien que n’étant plus considérée comme une fille, de la laisser reprendre le chemin de l’école.
Diplômée en administration des affaires de la Georgia Southwestern State University en 2013, elle s’installe à Atlanta où elle se remarie. C’est enceinte de sa fille qu’elle prend la décision de dénoncer la pratique des MGF.
«Je voulais que ma fille n’ait jamais à subir la même chose que moi, explique-t-elle. Je savais également qu’il y avait des millions d’autres filles, comme moi et ma fille, sans personne pour les défendre. Si ce n’était pas moi, alors qui le ferait?», s’interroge-t-elle encore.
Elle obtient l'interdiction de l'excision en Gambie
Blogueuse, twitteuse et activiste, elle fonde en 2013 Safe Hands for Girls, une organisation à but non lucratif militant pour la protection des jeunes filles et femmes des mutilations génitales et le soutien aux victimes de ces pratiques.
En 2015, elle rencontre le secrétaire général de l’ONU de l’époque, Ban Ki-moon et en décembre de la même année, son combat porte ses fruits dans son pays d’origine. Elle obtient l’interdiction des mutilations féminines par le chef de l’Etat gambien d’alors, Yahya Jammeh.
En 2017, le Guardian britannique consacre un long documentaire à sa vie et son engagement, le magazine londonien New African la classe parmi les 100 Africains les plus influents de 2017 et l’African Diaspora Awards lui décerne le prix «Human rights activist, Humanitarian of the year».
Bardée de ces reconnaissances, elle est nommée par ONU Femmes, le 6 février 2018, à l’occasion de la Journée internationale de la tolérance zéro pour les MGF, première ambassadrice de bonne volonté pour l’Afrique.
Et c’est à ce titre qu’elle lance à Dakar un mois plus tard, à l’occasion de la journée internationale des droits de la femme du 8 mars, le Mouvement des Big Sisters. Objectifs de ces Grandes sœurs: rendre illégales partout les mutilations génitales féminines et le mariage des enfants d’ici 2020 pour que ces pratiques soient complètement éradiquées d’ici 2030.
Redonner aux femmes africaines l'initiative contre les mutilations
«Depuis très longtemps, la conversation à propos des mutilations génitales féminines a été menée par l’Occident. Je pense qu’il était très important, pour accomplir le changement que nous souhaitons voir en Afrique, que des jeunes femmes africaines prennent une initiative. Parce que je pense qu’elles ont les compétences culturelles pour traiter ces problèmes dans leurs communautés», explique-t-elle dans un entretien avec le site mademoiZelle.
Selon Jaha Dukureh, trop d’idées fausses circulent encore sur ces mutilations, telles celle qu’elles ne seraient pratiquées que par des Africains ignorants. On les retrouve, dit-elle, également au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et même dans des pays comme la Colombie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
Pour elle toujours, ces pratiques ne sont en rien liées à la religion, la classe sociale ou l’absence d’éducation. «J’ai vu certaines des personnes les plus éduquées pratiquer des mutilations génitales féminines parce qu’elles pensent que cela fait partie de leur culture», écrit-elle sur le site ONU Femmes.
Pleine d’espoir et déterminée, elle estime que la lutte contre les mutilations féminines est arrivée à un «tournant décisif». «Non seulement les victimes sont les premières à s’engager dans la lutte contre les mutilations génitales féminines, mais la volonté politique est aussi présente dans l’ensemble de l’Afrique, et les organismes des Nations Unies déploient plus d’efforts que jamais auparavant dans ce domaine», estime-t-elle.
Elle attend impatiemment de voir les résultats de ce combat en 2030.
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