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Afrique du Sud: nous, les métis, «nous sommes comme le jambon dans un sandwich»
Ils sont estimés à 5 millions de personnes. C’est 9% de la population sud-africaine. Les métis sont une communauté à part au sein de la nation arc-en-ciel. Ni blancs, ni noirs. Un statut ambigu et source de malaise qui ne s’est pas dissipé avec la fin de l’apartheid en 1994. Ils se considèrent toujours comme «les laissés-pour-compte» de l’avènement de la démocratie au pays de Nelson Mandela.
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Ils vivent pour la plupart dans les quartiers pauvres autour des grandes villes sud-africaines. Dans des townships comme Alexandra, une banlieue plantée aux portes Johannesburg. Comme la grande majorité de la population sud-africaine, les métis souffrent du chômage et de la misère. Mais ils sont rongés par un autre mal dont ils se plaignent depuis l’époque de l’apartheid: leur statut de métis.
«Quand les Blancs étaient au pouvoir, nous les métis étions trop marginalisés. Nous étions trop noir pour être à côté des Blancs. Aujourd’hui, les Noirs ont accédé au pouvoir. C’est bien. Mais nous sommes toujours tenus à l’écart. Maintenant, nous sommes trop blanc pour être Noir. En fait, nous les métis, nous sommes comme le jambon dans un sandwich», confie avec amertume une habitante du township d’Alexandra.
Un statut ambigu façonné par «la hiérarchie raciale coloniale»
Les métis sont les descendants des premiers colons européens: Néerlandais, Français, Allemands, Britanniques et Irlandais, arrivés en Afrique du Sud au 17e siècle. Selon une étude menée par Myriam Houssay de l’Université Paris IV-Sorbonne, ils avaient pris pour femmes ou pour maîtresses des esclaves importées de Madagascar, d’Inde ou du Mozambique par la compagnie des Indes Orientales pour répondre au manque de main d’œuvre.
«Au départ, vous avez les Blancs, et ils ont tout. Et vous avez les Noirs, qui n’ont quasiment rien. Et nous les métis, nous sommes au milieu d’une certaine façon», témoigne un membre de cette communauté. Ce statut ambigu, ils le conserveront jusque à l’avènement de la démocratie en 1994.
Aujourd’hui, «les Métis se perçoivent toujours comme coincés entre les Blancs et les Noirs, une condition façonnée par la hiérarchie raciale coloniale qui les positionnait à mi-chemin entre le Blanc et l’Africain», explique François d’Alançon dans le journal La Croix.
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«Les laissés-pour-compte» de l’avènement de la démocratie
Un quart de siècle après la chute de l’apartheid, les métis d’Afrique du Sud ne décolèrent pas. Ils sont descendus dans la rue début mai 2017 à Eldorado Park, situé à proximité de Soweto. Ils accusent le gouvernement de discrimination.
«Dans ce quartier, la drogue et la criminalité sont plus répandues parce que le gouvernement ne l'a pas autant économiquement aidé que les quartiers noirs. Nous sommes assis sur une bombe à retardement. Si rien n’est fait, ce pays va exploser», met en garde Jérôme Lottering, un des meneurs de la révolte à Eldorado Park.
Les métis se considèrent comme les laissés-pour-compte de l’Afrique du Sud post-apartheid. Pour eux, la politique de discrimination positive censée donner leur chance aux communautés victimes de la ségrégation raciale ne s’est intéressée qu’aux seuls Noirs.
«Ma fille, ça fait deux ans qu’elle a fini l’école. Depuis, elle n’arrive pas à trouver un job. Chaque fois qu’elle appelle, on lui demande quelle est son origine. Et quand elle dit qu’elle est métisse, ils disent, non désolé, c’est pour les Noirs.»
Ce cri de colère d’une mère métisse rencontrée à Alexandra lors des élections générales de 1999 reste d’actualité. Des témoignages similaires ont été rapportés par la presse en mai 2017 dans la cité métisse d’Eldorado Park.
«Par exemple, moi je suis infirmière de formation. Mais je ne peux pas trouver de travail dans un hôpital public, parce qu’il n’embauche pas de métis», se plaint une habitante.
«Ce n’est pas un problème de race»
Le malaise persiste au sein de la communauté métisse, dans un pays confronté au chômage de masse et à une croissance ralentie. Aujourd’hui, 13% des 55 millions de Sud-Africains vivent encore dans des logements miséreux, selon les statistiques officielles. Pour Gabriela Mackay, experte au Centre d’analyse du risque en Afrique du Sud, la crise actuelle n’épargne aucune communauté. «Ce n’est pas un problème de race, c’est plutôt que les gens qui ne voient pas leurs espoirs se réaliser blâment quelqu’un d’autre», confie la chercheuse à l’AFP.
Alors que les prochaines élections générales sont annoncées pour 2019, la communauté métisse redoute de nouvelles flambées de violences. Elle a déchanté depuis les scrutins qui ont marqué l’ouverture démocratique en 1994. Plus personne ne vote aujourd’hui pour le parti au pouvoir, l’ANC.
A beaucoup d’égards, explique le Bolchévik dans son édition de juin 2016, le nombre de métis vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 20% entre 1996 et 2012. Les problèmes sociaux comme la violence des gangs, l’usage de drogues et l’alcoolisme touchent plus sévèrement les pauvres de cette communauté qui ne se retrouve plus dans la nouvelle Afrique du Sud.
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