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Le découvreur d'Ebola, Peter Piot, ne croit pas à sa propagation hors d'Afrique

Les autorités sanitaires internationales redoutent une propagation du virus Ebola au-delà des frontières d’Afrique de l’Ouest. Une éventualité que le co-découvreur du virus en 1976, le professeur belge Peter Piot, n’envisage pas. Il demande à ce que les vaccins expérimentaux prometteurs sur les animaux soient testés sur les humains dans les zones touchées.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le professeur Peter Piot est l'un des co-découvreurs du virus Ebola lors de sa première apparition au Zaïre, en 1976. (Leon Neal / AFP)

Peter Piot a co-découvert le virus Ebola en 1976 au Zaïre, l'actuelle République démocratique du Congo (RDC). Aujourd’hui, il ne se dit  «pas tellement inquiet à l'idée de voir le virus se diffuser ici au sein de la population», en affirmant: «Je ne serais pas inquiet d'être assis dans le métro à côté d'une personne  porteuse du virus Ebola tant qu'elle ne vous vomit pas dessus ou quelque chose de ce genre». Il s'agit «d'une infection qui nécessite un contact très proche», précise-t-il. Ebola se transmet par contact direct avec les liquides et sécrétions (sang, salive, sperme, excréments…) des personnes infectées par le virus. 

Rappelant qu’il existe plusieurs vaccins et traitements expérimentaux contre Ebola qui ont donné des résultats prometteurs sur les animaux, le chercheur belge a appelé à les tester sur les humains dans les zones touchées d'Afrique de l'Ouest. «Je pense qu’il est temps, au moins dans les capitales, d’offrir ce genre de traitements pour un usage compassionnel (réglementation permettant de rendre légal l’usage de médicaments non-autorisés, NDLR). Mais aussi pour découvrir s’ils marchent afin d’être prêts pour la prochaine épidémie», a-t-il préconisé.

La missionnaire américaine Nancy Writebol, 60 ans,(Nouvelle fenêtre) et le Dr. Kent Brantly, 33 ans, tous deux contaminés au Libéria où ils travaillaient, ont été traités avec un anticorps expérimental jamais testé auparavant sur des humains. Ce traitement, selon les médecins cités par la chaîne CNN a eu un «effet miraculeux» en atténuant rapidement les symptômes: fièvre, maux de tête, des douleurs musculaires, articulaires ou à l'estomac, diarrhée, vomissements et hémorragies. 

Décennies de guerre civile
L'histoire récente du Liberia et de la Sierra Leone complique les efforts déployés pour lutter contre un virus pour lequel il n'existe encore aucun vaccin et qui peut s'avérer mortel pour 25 à 90% de la population touchée. Peter Piot a imputé les difficultés à juguler l'épidémie au fait que ces deux pays «sortent de décennies de guerre civile(Nouvelle fenêtre)». «Il y a un manque total de confiance envers les autorités et, combiné à la pauvreté et aux services de santé médiocres, cela donne, je pense, la cause de cette grande épidémie à laquelle nous assistons», a-t-il estimé.

En 1976, le médecin belge, qui travaillait dans un laboratoire à Anvers, a contribué à isoler un nouveau virus (baptisé plus tard Ebola) dans un échantillon de sang provenant d'une religieuse catholique décédée au Zaïre, devenu la RDC. Il s'est ensuite rendu à Yambuku, un village de la province équatoriale de l'ex-Zaïre, où le virus Ebola tuait jusqu'à «une personne sur dix ou sur huit». «J'avais peur mais j'avais 27 ans. A cet âge vous pensez que vous êtes invincible», s'est-il souvenu.

A l'époque, la majorité des personnes infectées étaient des femmes âgées entre 20 et 30 ans qui fréquentaient une clinique pour des consultations prénatales. Les chercheurs ont constaté que le virus avait été transmis via quelques aiguilles mal désinfectées et utilisées à plusieurs reprises lors de soins faits aux femmes enceintes. Des soignants ou des personnes s'occupant de soins funéraires pour des victimes ont été aussi souvent contaminés. «Une personne morte d'Ebola a le corps couvert du virus à cause du vomi, de la diarrhée et du sang», a-t-il encore expliqué. «C'est de cette façon que vous avez de nouveaux foyers de contamination et c'est ce qui se passe en ce moment en Afrique de l'Ouest», a-t-il ajouté, regrettant le peu d'équipements de protection utilisés.

Précautions en Afrique et en Europe
Evoquant un «défi exceptionnel», le président sierra-léonais Bai Koroma(Nouvelle fenêtre) a décrété «l'état d'urgence pour nous permettre de prendre des mesures plus fermes», sur une période de 60 à 90 jours, éventuellement reconductible. Il a énuméré une batterie de dispositions, dont le placement en quarantaine des foyers d'Ebola, l'escorte des travailleurs sanitaires par les forces de sécurité et des perquisitions pour repérer les cas suspects de fièvre Ebola. Son homologue libérienne, Ellen Johnson, a quant à elle ordonné la fermeture de «toutes les écoles» ainsi que de «tous les marchés dans les zones frontalières».

Les autorités américaines et allemandes ont recommandé de leur côté à leurs ressortissants, fin juillet, d'éviter de se rendre en Guinée, Sierra Leone et au Libéria. A cette liste, la France a ajouté le Nigeria, qui a enregistré un premier mort d'Ebola la semaine dernière, un Libérien arrivé en avion via Lomé et Accra. Le Kenya et l'Ethiopie, qui abritent deux des plus importantes plates-formes aéroportuaires d'Afrique, ont affirmé avoir renforcé leur dispositif. L'Ouganda(Nouvelle fenêtre), touché ces dernières années par Ebola, a assuré être en alerte, la Tanzanie se prévalant de «mesures de précaution». 

Le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le 1er août 2014, fait déjà état de près de 900 morts en Afrique de l'Ouest. L'épidémie actuelle s'est déclarée début 2014 en Guinée avant de gagner le Liberia puis la Sierra Leone. Trois pays voisins auxquels la Banque mondiale a promis, le 4 août 2014 à Washington, une aide d'urgence de  200 millions de dollars(Nouvelle fenêtre) pour contenir l'épidémie. L'argent servira aussi à limiter l'impact négatif de la maladie sur l'économie de ces trois Etats, notamment sur le tourisme.

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