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Les salles de cinéma renaissent en Afrique, mais diffusent peu d’œuvres du cru

Les salles de cinéma, qui avaient pour la plupart disparu d'Afrique subsaharienne, renaissent sous la forme de complexes modernes. Elles font la part belle aux superproductions d'Hollywood, au détriment des œuvres africaines.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Images en haute défition et sièges confortables au Majestic à Abidjan, le 20 octobre 2017, pour accompagner la renaissance des salles de cinéma sur le continent. (SIA KAMBOU/AFP)

Plusieurs centaines de salles ont fermé leurs portes à partir des années 1980, pour devenir des garages automobiles, des supermarchés, des restaurants, des églises... Seuls subsistaient quelques écrans privés et les salles d'organismes culturels internationaux, comme les instituts français.

Une réussite immédiate
Pourtant, «la demande est là», affirme Jean-Marc Bejani, directeur général du réseau Majestic qui a ouvert trois salles en deux ans à Abidjan, et va en ouvrir trois autres dans le quartier populaire de Yopougon l'an prochain. Cadre supérieur dans l'industrie pétrolière, il s'est lancé par passion dans le cinéma.

La réussite a été immédiate: 75.000 entrées en 2015 avec un écran, 175.000 entrées en 2016 avec trois écrans.«Avant, il y avait des vieilles salles, techniquement dépassées, avec des films qui sortaient trois mois en retard sur l'Europe», explique-t-il. «Moi, je voulais des images en haute définition, en 3D, des sièges confortables, et des films qui sortent en même temps qu'en France».

«C'est un luxe d'aller au cinéma, je viens souvent», confie Marie Benoît, lycéenne, devant le bar à sodas et pop-corn à l'entrée d'une salle Majestic, qui n'a rien à envier à celle d'un multiplexe européen. La jeune fille a connu la capitale ivoirienne sans grand écran.

Appliquant la même recette, Canal Olympia s'est lancé à la conquête de l'Afrique de l'Ouest et centrale. Depuis 2016, cette filiale du groupe mondial de divertissement Vivendi a ouvert six salles au Cameroun, au Sénégal, au Niger, au Burkina Faso et en Guinée. Trois autres sont en construction au Gabon et au Congo, et le groupe s'est fixé l'objectif d'un réseau de plusieurs dizaines de salles polyvalentes.

Bar à sodas et pop-corn au cinéma Majestic d'Abidjan, le 20 octobre 2017. (SIA KAMBOU/AFP)
«Programmation mixte»
«Il y a une classe moyenne qui se développe» en Afrique, «avec l'envie de se divertir», explique Corinne Bach, PDG de Canal Olympia.

«Il y a tout un travail pour réhabituer les gens à venir au cinéma, notamment les jeunes qui n'y sont jamais allés», mais «les premiers résultats sont encourageants». Canal Olympia mise sur une «programmation mixte» de films américains, africains et européens, notamment des productions de Canal+, une autre filiale du groupe.

Concerts, spectacles et locations aux entreprises seront aussi proposés pour rentabiliser le réseau africain. Dans de nombreux pays, des salles modernes rouvrent: une demi-douzaine à Luanda, à Kinshasa, avec le CineKin inauguré en 2016, à N'Djamena avec le Normandie rénové en 2011. A Bobo Dioulasso (Burkina Faso), le Guimbi va bientôt renaître en un véritable centre culturel.

A Dakar, le complexe privé de trois salles Ousmane Sembène (du nom du grand cinéaste mort en 2007) doit bientôt ouvrir, et l'Etat sénégalais finance «quatre projets de rénovation et de numérisation de salles» dans le pays, selon Hugues Diaz, directeur de la Cinématographie au ministère de la Culture.

La relance du cinéma date déjà d'une dizaine d'années au Kenya. Le pays compte une dizaine de complexes de cinéma modernes, généralement installés dans des centres commerciaux. Ils ont remplacé les petits salles de quartier d'antan. Avec l'Afrique du Sud, qui a toujours gardé un bon réseau, le Nigeria est l'autre exception africaine, grâce au succès de Nollywood et à la progression rapide de l'industrie cinématographique dans le pays depuis une quinzaine d'années.

«Les films africains ne sont visibles qu'en festival ou à l'étranger»
Les quelque 130 grands écrans répartis dans une trentaine de complexes ont généré 95 millions de dollars de recettes en 2015, contre 76 millions de dollars pour l'Afrique du Sud, selon des chiffres de PricewaterhouseCoopers. Dans la plupart des pays africains, cependant, ce sont les blockbusters américains qui tiennent le haut de l'affiche, rentabilité oblige, et «faute de soutien des pouvoirs publics», note Jean-Marc Bejani.

La réalisatrice franco-gabonaise Samatha Biffot regrette le manque de films africains dans les salles: «Il faut que les salles projettent nos œuvres, parce que la plupart des films africains ne sont visibles qu'en festival ou à l'étranger».

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