RDC : le retour de la rébellion du M23 préoccupe les autorités congolaises et l'ONU
Les rebelles affrontent depuis quelques jours l'armée congolaise dans l'est du pays.
Le "Mouvement du 23 mars" (M23) fait de nouveau parler depuis quelques mois dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) en proie aux violences depuis plus d'un quart de siècle. La rébellion vient d’être accusée par les forces armées congolaises d’avoir abattu l’hélicoptère dans lequel ont péri, le 29 mars 2022, huit Casques bleus de la mission des Nations unies en République démocratique du Congo (Monusco). Le M23 a démenti en accusant, au contraire, l'armée d'être responsable du crash.
Une "résurgence" qui inquiète l'ONU
La Monusco, qui a retrouvé les débris du Puma et ramené à sa base de Goma les corps de ses Casques bleus (six Pakistanais, un Russe et un Serbe), ne se prononce pas. Au siège des Nations unies à New York, le porte-parole du secrétaire général Antonio Guterres, Stéphane Dujarric, a indiqué le 30 mars 2022 qu'une "enquête de l'ONU était en cours" avec l'envoi d'une équipe qui "travaillera en coopération avec le gouvernement congolais". Il a également déclaré que le patron de l'ONU était "profondément préoccupé par la résurgence des activités du M23 sur la zone frontalière entre la RDC, le Rwanda et l'Ouganda". L’hélicoptère de la Monusco s'est écrasé alors qu'il effectuait une mission de reconnaissance au-dessus d'une zone de l'est du pays, au Nord-Kivu, où de violents combats opposaient depuis la veille l'armée congolaise aux rebelles du M23.
Issu d'une ancienne rébellion tutsie congolaise jadis soutenue par le Rwanda et l'Ouganda, le M23 affronte depuis quelques jours l'armée congolaise dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, près de la frontière ougandaise. Egalement appelé "Armée révolutionnaire congolaise", le M23 est considéré comme le dernier avatar de rébellions à dominante tutsie dans l'est troublé de la RDC. Il est né en mai 2012 d'une mutinerie d'anciens rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) intégrés au sein de l'armée congolaise. Les mutins accusaient alors Kinshasa de ne pas respecter les clauses de l'accord signé le 23 mars 2009 (d'où le nom de leur "mouvement du 23 mars") qui avait permis leur intégration militaire.
Non-respect des accords de Nairobi
Le M23, qui a occupé Goma pendant une dizaine de jours en novembre-décembre 2012, a été vaincu l'année suivante par les forces armées congolaises, après 18 mois de guérilla. Après sa défaite militaire, la rébellion a poursuivi des négociations avec Kinshasa, tandis que plusieurs centaines de ses combattants avaient trouvé refuge en Ouganda, où ils ont été cantonnés, et au Rwanda. Fin 2013, à Nairobi au Kenya, le M23 et Kinshasa ont signé des engagements, notamment pour ouvrir la voie au rapatriement de la plupart des combattants de l'ex-rébellion en vue de leur réinsertion dans la vie civile. Cette opération n'a jamais connu d'avancée significative.
Début 2017, après quelques années de répit, le gouvernement congolais et de nombreux témoignages d'habitants ont fait état de la présence d'ex-combattants M23 dans la région de Rutshuru. La mission de l'ONU en RDC (Monusco) disait aussi disposer "de multiples indices" de leur présence sur le territoire congolais. La situation s'est de nouveau calmée mais, depuis novembre 2021, les M23 sont accusés d'attaquer les positions de l'armée dans le territoire de Rutshuru, à la lisière avec le parc national des Virunga. Le mouvement rebelle reproche aux autorités de n'avoir pas respecté les engagements signés à Nairobi sur la démobilisation de ses combattants.
Kigali dans le viseur de Kinshasa
Depuis l'arrivée massive en RDC de Hutus rwandais accusés d'avoir massacré les Tutsis durant le génocide de 1994, le Rwanda a été régulièrement accusé par Kinshasa d'incursions au Congo et de soutien à des groupes armés. Ce que Kigali dément systématiquement. Le 28 mars 2022, l'armée congolaise a encore accusé le Rwanda de soutenir le M23, affirmant même avoir capturé deux militaires rwandais dans la région des combats. Kigali a démenti ces allégations, assurant que ces deux hommes, capturés il y a plus d'un mois, ne faisaient pas partie de son armée et récusant tout soutien aux M23.
La RDC et le Rwanda entretiennent des relations de méfiance depuis plus de vingt-cinq ans. Elles se sont apaisées avec l'accession au pouvoir, début 2019, de Félix Tshisekedi, qui a rencontré à plusieurs reprises son homologue rwandais Paul Kagame. Mais le regain d'activité du M23 a ravivé le soupçon côté congolais.
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