Ce que l'on sait sur la condamnation de l'Ouganda dans le conflit qui l'a opposé à la RDC il y a 25 ans
La Cour internationale de Justice a fixé à 325 millions de dollars le montant des réparations que Kampala doit verser à Kinshasa pour avoir envahi l'est de la République démocratique du Congo pendant la guerre (1998-2003).
La Cour internationale de justice (CIJ) a tranché le 9 février 2022. Kampala devra verser 325 millions de dollars à Kinshasa en réparation des violences perpétrées lors de l'invasion de l'est de la République démocratique du Congo (RDC) par des troupes ougandaises, durant la Seconde guerre du Congo (1998-2003).
Loin des 11 milliards de dollars demandés
La CIJ, plus haute juridiction de l'ONU dont le siège se trouve à La Haye (Pays-Bas), avait statué en 2005 que l'Ouganda devait payer des réparations à son voisin. Mais l'Ouganda et la RDC n'avaient pas trouvé d'accord, laissant à la CIJ le choix de trancher leur différend. L'Ouganda avait qualifié d'"exorbitantes" et d'"extrêmement excessives" les demandes de la RDC.
Si l'Ouganda a été condamné à verser 325 millions de dollars à la RDC, c'est bien loin des 11 milliards demandés par Kinshasa. La somme se répartit comme suit : 225 millions de dollars au titre des pertes en vies humaines, 40 millions à celui des dommages aux biens et 60 millions pour les dommages aux ressources naturelles.
Pas assez de preuves, selon la Cour
Il n'y aura pas d’appel de cette décision de la CIJ, créée en 1946 pour régler les litiges entre Etats, les deux parties devant suivre ses décisions. La Cour, qui n'a toutefois pas les moyens de faire respecter son jugement, a estimé que Kinshasa n'avait pas apporté de preuves suffisantes pour "pour étayer l'affirmation selon laquelle l'Ouganda doit réparation pour la mort de 180 000 civils".
La République démocratique du Congo avait accusé l'Ouganda d'actes de "barbarie" lors d'audiences devant la CIJ en avril 2021, évoquant "une occupation de cinq ans marquée par de très graves atteintes aux droits de l'Homme".
Les guerres du Congo
La Deuxième guerre du Congo s’est déroulée entre 1998 et 2003. Ce conflit parmi les plus meurtriers au monde depuis la Seconde guerre mondiale a impliqué jusqu'à neuf pays africains, parmi lesquels l'Ouganda et le Rwanda qui soutenaient des forces rebelles dans l'est du pays, riche en minerais. Et aussi une trentaine de groupes armés. En réalité, il y a eu deux guerres successives qui ont dévasté l’est de la RDC entre 1996 et 2003. Lesquelles ont fait plusieurs centaines de milliers voire plusieurs millions de morts, selon les sources.
"Depuis plus de 25 ans, l'est de la RDC s'avère être le territoire le plus durement touché par les atrocités (...). Entre guerres, viols et famines, les victimes directes et indirectes sont innombrables", indiquait TV5monde fin 2021, avant d'ajouter :"En 2008, l'International Rescue Committee, une organisation non gouvernementale américaine, tir(ait) un bilan de 5,4 millions de morts sur la période 1997-2008".
Un partenariat qui inquiète
Cette décision de la CIJ tombe alors que l'armée ougandaise est de retour depuis fin novembre 2021 dans l'est du Congo, dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu, toujours en proie aux violences armées. Il s'agit cette fois d'un partenariat avec Kinshasa pour une offensive conjointe des deux armées contre les rebelles ougandais des ADF (Allied Democratic Forces), affiliées à l'organisation jihadiste Etat islamique. Une opération qui inquiète la population.
"Nous demandons au président et à toutes les autorités sécuritaires de contrôler sérieusement (...) ces gens-là, pour que les erreurs du passé ne puissent pas revenir dans notre pays."
Lodha Losa, moto-taxi à Bunia, chef-lieu de l'Iturià l'AFP
Des Congolais partagés
Après la décision de la CIJ, les sentiments des Congolais d'Ituri, province particulièrement meurtrie par l'invasion ougandaise durant la guerre, étaient partagés. Selon l'AFP, Me Christian Uteki, juriste dans la région, pense que "cette condamnation va dans le sens de la dissuasion de tout Etat qui tenterait de mener des activités militaires dans un autre Etat indépendant sans son accord". Pour autant, il estime que "le montant de 325 millions est très minime (au vu de) tous les dégâts perpétrés sur le territoire congolais" et au regard des "destructions, du bilan humain, du bilan écologique..." Il demande aux Nations unies "de mettre la pression sur l'Ouganda pour que cette condamnation soit exécutée" afin que l'argent revienne bien aux victimes.
Ce ne sera pas chose facile. Au lendemain du jugement, le ministère ougandais des Affaires étrangères, qui "regrette que cette décision intervienne à un moment où les deux pays continuent de renforcer leurs relations", a considéré "le jugement comme injuste et erroné".
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