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Quatre famines et vingt millions de morts: les prévisions inquiétantes du PAM
Les chiffres donnent froid dans le dos. Vingt millions de personnes pourraient être décimées par la faim dans les six prochains mois. L’Afrique figure en tête des régions concernées par l'hécatombe qui s’annonce. L’aide humanitaire n’arrive plus à faire face à l’insécurité alimentaire et aux famines qui dévastent des régions entières.
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A l’exception du Yémen déchiré par la guerre, les trois autres régions menacées par la famine se trouvent toutes sur le continent africain: le nord-est du Nigeria, le Soudan du Sud et l’Afrique de l’Est, où la sécheresse a ruiné l’agriculture traditionnelle.
«On parle d’environ 20 millions de personnes, et tout cela dans les six prochains mois ou dès maintenant. Au Yémen, c’est maintenant, au Nigeria, c’est maintenant, les choses vont très vite.»
L’alerte est donnée par Arif Husain, l’économiste en chef du Programme alimentaire mondial (PAM). Il observe que l’insécurité alimentaire est devenue chronique dans certaines régions.
La situation est critique au Yémen ravagé par des combats interminables. Là-bas, de nombreuses familles ont déjà dû se séparer de leurs avoirs en or, en argent ou en armes pour se procurer de quoi manger. «Le Yémen est pour l’instant considéré comme une situation d’urgence, mais pourrait être déclaré en famine d’ici trois mois», précise Arif Husain à l’agence Reuters.
L’Afrique en première ligne
C’est en Afrique que la situation est particulièrement dramatique. Au Nigeria notamment, confronté aux attaques répétées des islamistes de Boko Haram.
«Au Nigeria, dans l’Etat de Borno, où des millions de personnes ont trouvé refuge après avoir fui Boko Haram, les déplacés survivent dans des camps, par 50°C, dans des huttes aux toits de tôle, avec un point d’eau, des cuisines communes et un repas par jour», explique Arif Husain. Dans le nord-est du pays, le Programme alimentaire mondial nourrit aujourd’hui plus d’un million de personnes.
La situation reste aussi préoccupante en Somalie où les prévisions pour la saison des pluies, soit de mars à mai, ne sont guerre meilleures. En 2011, la famine avait déjà fait 260.000 morts dans ce pays. Et la liste ne s’arrête pas là.
«Il y a des endroits comme la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, le Burundi, le Mali ou le Niger, où l’insécurité alimentaire est chronique», rappelle le PAM.
Production alimentaire réduite à néant
Tout au long de l’année 2016, plusieurs ONG ont attiré l’attention sur les conséquences de la sécheresse qui sévit dans la corne de l’Afrique et en Afrique australe. Depuis une dizaine d’années, c’est une sécheresse sans précédent qui opère sur une majeure partie du continent africain où la production agricole a été réduite à néant.
En juillet 2016, des agences humanitaires ont demandé plus d’un milliard de dollars pour venir en aide à des millions de personnes rendues vulnérables par la sécheresse.
Selon le chef du bureau de l’ONU pour la coordination de l’aide humanitaire, les sécheresses, comme celle causée en 2016 par El Niño, sont devenues plus fréquentes et plus intenses, entraînant des milliers de personnes sur les routes pour échapper aux conditions climatiques extrêmement difficiles.
En cause, le phénomène El-Nino
Le phénomène El-Nino qui a anéanti le secteur agricole sur le continent africain affecte le régime des vents. Il entraîne une montée des températures, des sécheresses et des inondations. Celui qui a débuté mi-2015 a été l’un des plus extrêmes jamais enregistrés, explique le Centre international pour la paix et les Droits de l’Homme (CIPADH).
«Les conséquences sur l’agriculture sont lourdes. La sécheresse qui a sévi en Afrique de l’Est a affecté particulièrement la production de céréales et de légumes», précise le centre qui a constaté une hausse vertigineuse des prix des denrées alimentaires.
«Au fur et à mesure que les pays africains touchés se tournent vers l’importation pour subvenir à leurs besoins, les prix augmentent de manière drastique privant les populations les moins fortunées d’accès à la nourriture.»
Au Soudan du Sud, les prix des produits alimentaires ont doublé, voire quadruplé en un an.
«Il n’y a aucune solution en vue»
La communauté internationale semble démunie face au drame qui se profile. «Aucune solution en vue», déplore Arif Husain, l’économiste en chef du Programme alimentaire mondial. «Si l’aide humanitaire internationale atteint des niveaux sans précédent, la demande augmente plus vite encore, ce qui creuse l’écart entre les besoins et les moyens», explique-t-il.
Arif Husain travaille pour le PAM depuis près de quinze ans, il se dit bouleversé de réaliser qu’au XXIe siècle, des gens continuent de connaître des famines d’une telle ampleur.
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