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Sud-Kivu: de violents combats font fuir des milliers de Congolais au Burundi
Ils sont déjà près de 7000 Congolais à avoir franchi la frontière en l’espace de deux jours pour se réfugier au Burundi voisin. Ils fuient les combats qui opposent l’armée congolaise à la milice des Yakutumba qui sème la terreur dans la région de Fizi, à proximité du lac Tanganyika.
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Le flux des réfugiés continue, annonce la police burundaise qui assiste à l’arrivée des fuyards. La plupart traverse le lac Tanganyika sur des embarcations de fortune, emmenant avec eux matelas, valises, panneaux solaires, chaises ou seaux en plastique.
«Hier, tout le lac Tanganyika semblait couvert de pirogues de toutes les tailles, remplies à ras bord de réfugiés et de leurs biens», explique à l'AFP un activiste des droits de l'homme.
Depuis une semaine, l’armée congolaise a lancé une offensive de grande envergure pour déloger la milice Yakutumba et ses alliés des positions qu’ils occupent à proximité du lac Tanganyika. Deux civils ont été tués par des obus tirés par des rebelles, provoquant la panique générale.
Le journaliste d’investigation congolais, Nicaise Kibel’bel, connaît bien cette région et l’histoire de ces milices qui sèment la terreur dans les collines verdoyantes du Sud-Kivu. Il raconte à Géopolis Afrique comment elles se sont regroupées au sein d’une organisation dénommée Coalition nationale des peuples pour la souveraineté du Congo. Ces milices locales y cohabitent avec des groupes armés étrangers, notamment des rebelles rwandais et burundais.
«Chaque groupe a ses problèmes particuliers. Par exemple, les forces républicaines du Burundi, dirigées par le Général Godefroid Niyombare, veulent reconquérir le pouvoir au Burundi. Les rebelles hutus des FDLR veulent faire de même au Rwanda, tandis que les milices locales appelées Maï- Maï en veulent au pouvoir de Kinshasa qu’elles accusent d’avoir abandonné leur province», explique Nicaise Kibel’bel.
Parmi ces groupes armés disparates, une milice semble tenir le haut du pavé. C’est celle du chef rebelle William Yakutumba, un ancien officier qui a déserté les rangs de l’armée régulière. Ce sont ses hommes qui font l’objet depuis une semaine d’une vaste offensive de l’armée congolaise. L’armée affirme leur avoir repris 14 localités après trois jours d’intenses combats.
La milice Yakutumba semble bien équipée. Elle dispose notamment de mitrailleuses installées à bord d’embarcations. En octobre 2017, ces miliciens n’avaient pas hésité à viser les hélicoptères de la Mission des Nations Unies au Congo (Monusco) qui intervenaient avec leur puissance de feu pour les empêcher de s’emparer de la ville d’Uvira.
Pour équiper ses hommes en armes, William Yakutumba ne lésine pas sur les moyens. C’est un homme d’affaires prospère dans le business de l’or, fait remarquer Nicaise Kibel’bel.
«Dans la configuration des groupes armés locaux et étrangers, ils occupent des sites où il y a des minerais. C’est grâce à leur exploitation qu’ils arrivent à acheter des armes. C’est ainsi que le chef rebelle Yakutumba peut disposer de vedettes hors-bord armées de mitrailleuses pour partir à l’assaut de la ville d’Uvira. Il accuse Kinshasa d’avoir abandonné le Sud-Kivu qui risque d’être balkanisé au profit du Rwanda. Raison pour laquelle il veut occuper les principales villes de la région.»
Nicaise Kibel’bel explique que dans cette province bouillonnante du Sud-Kivu, les milices locales accueillent volontiers des groupes armés étrangers avec lesquels elles espèrent changer la géopolitique de la région. Des alliances de circonstance qui ne constituent pas une véritable menace pour le pouvoir de Kinshasa.
«En fait, les seigneurs de guerre étrangers trouvent l’hospitalité auprès des chefs de guerre locaux. Ils essaient de cohabiter avec des objectifs différents qui ne vont pas forcément aboutir. Et du fait que ça dure, ils y prennent goût et deviennent des roitelets dans les territoires où ils imposent leur diktat et où l’Etat finalement brille par son absence. Kinshasa est loin, à plus de 2500 kilomètres.»
Pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), nombre de ces groupes ont été armés par le pouvoir pour combattre les envahisseurs ougandais ou rwandais, rapporte l'AFP. Certains n’ont jamais désarmé. Ils se sont assuré le contrôle des zones riches en ressources naturelles où ils ont imposé leur loi.
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