Référendum en Egypte : la révision constitutionnelle approuvée sans surprise
La réforme a été approuvée par 88,83% des électeurs qui ont participé au vote, a annoncé l'Autorité nationale des élections le 23 avril 2019. Celle-ci a précisé que 11,17% des électeurs "se sont prononcés contre" cette réforme et que "le taux de participation (...) a atteint 44,33%".
Environ 27 millions d'électeurs se sont rendus aux urnes sur les plus de 61 millions de votants enregistrés dans le pays le plus peuplé du monde arabe, selon la même source.
La réforme de la Constitution permet la prolongation de la présidence du président Abdel Fattah al-Sissi : son deuxième mandat va ainsi passer de quatre à six ans, portant son terme à 2024. L'ex-maréchal, aujourd'hui âgé de 64 ans, pourra se représenter à un troisième mandat de six ans, lors de l'élection de 2024. Il pourra donc se maintenir jusqu'en 2030. Il avait été élu président en 2014 avec 96,9% des voix, un an après avoir renversé avec l'armée, à la faveur d'un mouvement populaire, le président islamiste Mohamed Morsi. Il a été réélu en 2018 à 97,08%.
Dans le même temps, la révision constitutionnelle permet le contrôle du chef de l'Etat sur le système judiciaire, avec un pouvoir de nomination des chefs de juridiction. La réforme octroie également un pouvoir politique à l'armée, pilier du régime de M. Sissi. "Ces amendements constitutionnels renforcent l'exécutif et l'armée au détriment d'un système judiciaire et législatif affaibli", a expliqué à l'AFP Mai el-Sadany, responsable des questions juridiques au groupe de réflexion The Tahrir Institute for Middle East Policy (Timep), basé à Washington.
D'autres amendements prévoient un quota de 25% de femmes au Parlement ou une place plus importante accordée aux jeunes.
De leur côté, les partisans de la révision constitutionnelle défendent un projet nécessaire, selon eux, pour la stabilité du pays, dans un pays en crise économique et voisin de plusieurs pays troublés, comme le Soudan et la Libye.
"Climat démocratique stimulé par la liberté"
Le scrutin de trois jours (du 20 au 22 avril) s'est déroulé "dans un climat démocratique stimulé par la liberté", a insisté le président de l'Autorité nationale des élections, Lachine Ibrahim. Il a été organisé en un temps record, quatre jours après un vote au Parlement et sans véritable débat de fond dans les médias sur les enjeux de la réforme.
Le président Sissi a rendu hommage sur Twitter à ses concitoyens "qui ont ébloui le monde par leur conscience nationale des défis auxquels est confrontée notre chère Egypte".
تحية تقدير وإعتزاز للشعب المصرى الذى أبهر العالم بوعيه القومى بالتحديات التى تواجه مصرنا العزيزة .. إن ذلك المشهد الرائع الذى صاغه المصريون بعبقريتهم حين شاركوا فى الإستفتاء على التعديلات الدستورية ممارسين حقهم السياسى والدستورى سيُسجل بحروف الفخر فى سجل أمتنا التاريخى#تحيا_مصر
— Abdelfattah Elsisi (@AlsisiOfficial) 23 avril 2019
Vote contre nourriture
"Tous les moyens ont été déployés pour que la population se déplace massivement cocher la case 'Je suis d'accord' sur les bulletins de vote. Les médias, aux ordres du pouvoir, battent campagne exclusivement pour le oui", rapportait Le Monde avant le scrutin. Le quotidien français ajoutait : "La complexité du projet" a été éludée et résumée "à un simple choix dans les débats télévisés : permettre à M. Sissi de prolonger son mandat (...), c'est faire le choix de la stabilité. Les amendements les plus consensuels, comme les quotas réservés aux femmes (...), sont mis en avant."
Le Guardian rapporte avoir visualisé des vidéos filmées sous le manteau montrant des officiels en tenue civile "forçant les électeurs" à aller voter. "On ne leur dit pas ce qu'ils doivent voter. On n'a pas besoin de le leur dire", commente un jeune homme resté anonyme, chargé de battre campagne pour le oui.
Les deux journaux rapportent que de la nourriture a été distribuée aux personnes prouvant qu'elles avaient voté (en l'occurrence en montrant un doigt trempé dans de l'encre rose). Information confirmée par l'AFP. "Les gens sont pauvres et prennent tout ce qui peut les aider à supporter cette situation. Beaucoup de personnes que je connais se sont rendues aux bureaux de vote pour avoir un colis de nourriture, parce que le ramadan approche et les prix sont très élevés en ce moment", témoigne l'une d'entre elles dans le Guardian. "Tous ceux que je connais et qui sont allés voter se fichent pas mal du référendum, tout ce qu'ils veulent, c'est le colis" , raconte un chauffeur de taxi cité par Le Monde.
"Le référendum s'est déroulé dans un environnement tellement injuste et non libre que ses résultats ne peuvent prétendre à une quelconque légitimité", a dénoncé Michael Page, directeur adjoint de l'ONG Human Rights Watch pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, cité par l'AFP.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.