RDC : fuir ou mourir dans les provinces du Kasaï
Certains villages ont été totalement désertés par la population. «Notre village est désert : les habitants sont soit morts, soit partis», résume Jean Kitambala, un habitant de Kamonia. Sa femme, dit-il, a été décapitée par les miliciens qui écument la région. Ils appelent la population à l’insurrection contre le président Joseph Kabila.
«Ils disaient qu’ils venaient libérer le peuple», se souvient Nzenga. Cette habitante du village de Biponga décrit des assaillants armés de machettes, de bâtons et de flèches, le front ceint d’un bandeau rouge. «Les miliciens ont incendié des maisons et ont décapité mon mari. Ils l’accusaient de travailler pour le gouvernement parce qu’il était infirmier», raconte-t-elle au journaliste de l’AFP.
Comme de nombreux autres rescapés, Nzenga a trouvé refuge dans la ville Kikwit, à des centaines de kilomètres de son village. Les déplacés, affamés et dépourvus de tout, trouvent refuge dans des églises et chez des habitants.
«Tous sont affectés par la malnutrition, ils souffrent d’anémie, de fièvre et de diarrhée», a constaté un médecin de l’hôpital général de Kikwit où ils affluent depuis le mois de mars.
Fuir pour ne pas être broyé par les belligérants
Les populations du Kasaï n’ont pas le choix. Il faut fuir pour ne pas être broyé par un conflit qui a pris des proportions inquiétantes depuis six mois. C’est en août 2016 que le Kasaï a plongé brutalement dans la violence, après la mort du chef traditionnel des «Kamuina Nsapu», un mouvement politico-religieux qui s’est insurgé contre le pouvoir de Kinshasa. Il a été abattu par les forces de sécurité congolaises.
De représailles en répressions, sa mort a mis le feu aux poudres et les violences ont gagné quatre provinces du Grand Kasaï. L'ONU semble désarmée face à la crise. Elle dénonce des abus commis par des milices qui s’attaquent aux institutions de l’Etat et aux populations civiles. Mais elle pointe aussi un usage abusif de la force par le pouvoir.
«Les acteurs étatiques ont l’obligation de répondre d’une manière proportionnée. Par exemple, s’il y a des membres d’une milice qui sont désarmés, qui ne représentent pas un danger imminent, ce n’est pas acceptable qu’un policier tire sur quelqu’un qui n’est plus armé. Il y a eu des cas où des maisons brûlaient par exemple avec des individus dedans», confie à RFI Scott Campbell, responsable pour l’Afrique centrale au Haut commissariat de l’ONU aux droits de l’homme.
L’ONU dénonce de graves abus contre les populations civiles#RDC: le Chef de @UNHumanRights menace d’ouvrir une enquête internationale sur les violences au #Kasaï - https://t.co/1nb3cYfE04 pic.twitter.com/g2UOuYynYD
— UN Geneva (@UNGeneva) June 6, 2017
L’ONU a établi l’existence de 42 fosses communes dans le Kasaï. Dans un communiqué publié le 9 Juin 2017, le Haut Commissaire aux droits de l’Homme réclame des enquêtes approfondies sur «les graves abus» commis dans la région, notamment les exécutions sommaires, les meurtres d’enfants, le recrutement d’enfants soldats et les violences sexuelles.
«L’étendue et la nature de ces violations des droits de l’Homme, ainsi que les réponses constamment inadéquates des autorités locales nous obligent à demander une enquête internationale pour compléter les efforts nationaux» ajoute le communiqué.
Afflux de réfugiés congolais en Angola
Le président congolais, Joseph Kabila, s’est rendu dans la région du Kasaï à deux reprises «pour consoler la population victime des violences». Sa deuxième visite remonte au 12 juin 2017. Mais les provinces du Kasaï sont loin de retrouver le calme. Le conflit a même poussé des milliers de Congolais à franchir la frontière angolaise.
Ils seraient plus de 20.000, selon les autorités de Luanda, à avoir trouvé refuge dans le nord du pays, frontalier avec la RDC. Un afflux massif qui pose des problèmes d’accueil et de prise en charge de réfugiés, dans un état de santé fragile, rapporte RFI.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.