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RDC: au Sud-Kivu, les chefs de guerre font toujours la loi

Le Dr Denis Mukwege a reçu ce 5 octobre 2018 le prix Nobel de la Paix. Le gynécologue «répare» depuis des années les femmes violées, victimes des guerres oubliées dans l'est de la République démocratique du Congo. Cette région dotée d'importantes ressources minières est une poudrière aux mains des milices. Et les civils, notamment les femmes et les enfants, en sont les premières victimes...
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les collines verdoyantes du Sud-Kivu, devenues la forteresse des groupes armés qui affrontent l’armée régulière congolaise.  (Photo AFP/ Jürgen Bätz)

(Article initialement publié le 19 septembre 2018)

Il y a un an, fin septembre 2017, les rebelles Yakutumba avaient menacé la grande ville d’Uvira, sur le lac Tanganyika, en face de la capitale burundaise, Bujumbura. Les hélicoptères de la Mission des Nations Unies au Congo (Monusco) avaient dû intervenir pour repousser leur offensive.

En février 2018, l’armée congolaise avait affirmé les avoir anéantis avec la coopération du Burundi voisin. Elles sont donc de retour sur les collines verdoyantes du Sud-Kivu avec, à leur tête, le chef rebelle William Yakutumba, un officier déserteur de l’armée congolaise.


Le journaliste d'investigation congolais Nicaise Kibel'bel Oka est directeur du journal «Les Coulisses».  (Photo/Journal les Coulisses)

Chef de guerre et homme d’affaires prospère
Le journaliste d’investigation congolais Nicaise Kibel’bel Oka connaît cet ancien officier, opposant farouche au président Joseph Kabila. Il l’a décrit à Géopolis comme un homme d’affaires prospère dans le business de l’or.

«Ses hommes occupent des sites où il y a des minerais. C’est grâce à leur exploitation qu’ils arrivent à acheter des armes. C’est ainsi qu’il peut disposer de vedettes hors-bord armées de mitrailleuses. Il accuse Kinshasa d’avoir abandonné le Sud-Kivu qui risque d’être balkanisé au profit du Rwanda. Raison pour laquelle il veut occuper les principales villes de la région.»

Comme l’explique notre confrère, c’est parce qu’il mène des affaires prospères que le chef rebelle congolais parvient à rallier à son groupe des officiers déserteurs de l’armée régulière. Mais il compte aussi dans ses troupes, de nombreux enfants soldats.

«Comme il s’agit de guerres identitaires, il arrive même que des parents acceptent que leurs enfants soient enrôlés dans des groupes armés pour défendre leur communauté. Certains sont pris de force, mais d’autres sont envoyés par leurs propres parents. Beaucoup de jeunes y trouvent la mort», a-t-il constaté.

Des alliances de circonstance avec des groupes armés étrangers
Dans cette province bouillonnante du Sud-Kivu, les milices locales accueillent volontiers des groupes armés étrangers avec lesquels elles espèrent changer la géopolitique de la région. Il s'agit essentiellement de rebelles rwandais et burundais.

«En fait, les seigneurs de guerre étrangers trouvent l’hospitalité auprès des chefs de guerre locaux. Ils essaient de cohabiter avec des objectifs différents qui ne vont pas forcément aboutir. Et du fait que ça dure, ils y prennent goût et deviennent des roitelets dans les territoires où ils imposent leur diktat et où l’Etat finalement brille par son absence. Kinshasa est loin, à plus de 2500 kilomètres.»

C’est dans ces collines du Sud-Kivu qu’avait éclaté la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, le père de l’actuel président, qui avait renversé le maréchal Mobutu Sese Seko en mai 1997. Depuis cette date, les bruits de bottes n'ont jamais cessé dans la région.

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