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Nigeria: la corruption expliquée aux enfants par Onyinye Ough

Pays pétrolier de 180 millions d'habitants, classé parmi les derniers par Transparency International, le Nigeria est gangrené par la corruption à tous les échelons de la société. Convaincue que l’éducation peut enrayer ce fléau, Onyinye Ough a décidé, à partir d’une histoire simple, de raconter les rouages de la corruption aux 6-10 ans. Son livre, «L'argent d'Emeka», est paru début septembre 2018.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Des partisans du président nigérian, Muhammadu Buhari, lors d'un rassemblement de soutien à la lutte contre la corruption à Abuja, la capitale du Nigeria, le 11 août 2017.  ( next24online/NurPhoto/AFP)

Emeka, le personnage principal du livre pour enfants de l'auteure nigériane Onyinye Ough, est «quelqu'un de bien qui travaille pour un gouverneur». Il ne ressemble pas à ceux que l'on imagine corrompus dans leurs grosses voitures et grandes maisons.

De la petite à la grande corruption
Le fonctionnaire ne réalise même pas qu'il participe à la grande chaîne de la corruption lorsqu'il recommande un ami à son patron pour réaliser un travail de voirie. Il ignore que la compagnie de BTP devra elle-même payer un énorme pot-de-vin pour remporter le contrat et qu'elle n'aura plus assez d'argent pour payer un matériel de qualité pour la route. Il ne se doute pas qu'il causera ainsi indirectement un grave accident.

«Le message-clé de cette histoire, c'est que la plupart du temps, les gens ne sont pas "mauvais" mais ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils font», explique l'écrivaine à l'AFP. «C'est différent de la "grande corruption"», dit-elle.

Au Nigeria, la corruption mine malheureusement la société à tous les étages. Elle fait partie du quotidien sous la forme de quelques milliers de nairas «offerts» aux agents de police pour améliorer leurs fins de mois, ou glissés aux services administratifs pour accélérer les procédures.

Favoriser un ami ou un associé pour un emploi ou un appel d'offre est chose courante. Et, au sommet de cette pyramide sociale, gangrenée par les pétro-nairas, se trouve ce qu'Onyinye Ough appelle la «grande corruption»: les centaines de milliards de dollars disparus dans les trous noirs des caisses de l'Etat depuis les débuts de l'extraction de pétrole dans les années 1960.


Comment la corruption devient «une norme sociale»
Dans son livre pour enfants Emeka's Money (L'argent d'Emeka), Onyinye Ough a décidé, par un exemple simple, de raconter les rouages de la corruption aux 6-10 ans. «Trouver des moyens d'éduquer les enfants à ces problèmes me passionne depuis des années, raconte-t-elle. Et récemment, j'ai remarqué comment la corruption était devenue acceptable culturellement, une norme sociale.»

«Du coup, je me suis dit pourquoi ne pas changer cette norme dès le plus âge, en leur racontant comment ce comportement peut, en fait, faire du mal?»
 Emeka's Money veut mettre en lumière cette culture du népotisme communautaire, ancrée dans la société nigériane, où n'importe quelle personne qui réussit est redevable à son entourage.

Le livre veut détruire l'idée que cette forme de corruption «rapporte», explique l'auteure, qui est également à la tête d'une organisation de la société civile pour la promotion de la bonne gouvernance, Step Up Nigeria.

Cette publication arrive alors que les Nigérians se préparent à voter pour un nouveau président, un nouveau parlement, des gouverneurs d'Etat et des assemblées au début de l'année prochaine. Le président Muhammadu Buhari, qui se présente à sa propre succession, avait fait de la lutte contre la corruption la priorité de son premier mandat mais ses résultats sont vivement critiqués.

Malgré de nombreuses personnes mises en examen, des biens ou des comptes bancaires saisis (souvent dans le camp de l'opposition), aucun suspect important n'a été condamné. Toutefois, la bataille contre la corruption est officiellement lancée et les groupes de la société civile font de plus en plus pression sur les élus pour qu'ils justifient leurs dépenses publiques.

Toute une société à changer
Le gouvernement a également déployé des efforts pour mieux récolter les impôts, autre grand fléau de ce géant économique du continent africain. Pour Onyinye Ough, le fait que plusieurs enquêtes contre des Nigérians ont été ouvertes à l'étranger (Italie, Grande-Bretagne) ou le durcissement de la législation contre le blanchiment d'argent annoncent des poursuites.

Mais avec un Nigeria classé 148e sur 180 selon l'indice de perception de la corruption 2017 de Transparency International, c'est toute une société qu'il faut changer.

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