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Mali: la peur de l’insécurité alimente le syndrome d’une partition du pays
Les observateurs sont unanimes: le Mali replonge dans l’insécurité. Dans le centre et le nord du pays, de nombreuses écoles ont fermé leurs portes, des organisations humanitaires plient bagage. Des groupes armés font la loi sur d’immenses territoires désertés par l’administration. «Le pays se meurt à petit feu», s’inquiète le chef de file de l’opposition.
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«Entre l’enfer du centre et du Nord et le purgatoire du Sud, que reste-t-il à notre peuple meurtri?», s’interroge Soumaïla Cissé. Le chef de file de l’opposition malienne décrit un pays qui glisse dangereusement vers la partition.
«Nos populations enterrent chaque jour leurs morts civils et militaires… Elles ont perdu espoir quand elles ont vu partir, un à un, les représentants de l’Etat, les abandonnant à leur triste sort et sans défense… Aujourd’hui, les Maliens vivent dans une angoisse permanente», dénonce l’opposant malien qui tenait une conférence de son parti à la mi-novembre à Bamako.
Malgré la conclusion d’un accord de paix en 2015 et l’élaboration d’une charte de réconciliation nationale, les frères ennemis maliens n’ont jamais enterré la hache de guerre. Des régions entières restent sous le contrôle de groupes armés qui font régner la terreur en toute impunité. Selon un rapport d'Amnesty publié en septembre 2017, plus de 15.000 enfants ne peuvent pas aller à l'école en raison du manque de sécurité dans le nord et le centre du pays.
«Tout le monde rentre chez soi avant que le soleil ne se couche»
Dans la région de Menaka, dans l’extrême nord-est du pays, la coordination des ONG internationales a dû suspendre toutes ses activités fin novembre 2017. Les humanitaires dénoncent un climat délétère. Ils ont été la cible de plus de 200 incidents violents depuis le début de l’année.
«Le mode opératoire est de plus en plus violent, avec des hommes qui utilisent des armes de guerre», constate leur porte-parole sur l’antenne de RFI. Les attaques devenues quotidiennes n’épargnent pas les populations civiles, «plus particulièrement les commerçants, les leaders religieux et les collectivités locales», précise-t-il. Tout le monde rentre chez soi avant que le soleil ne se couche, explique un habitant.
Le Nord toujours sous l’emprise de groupes armés
L’inquiétude est aussi grande dans le nord du pays. La tension ne cesse de monter dans cette région où la crise avait démarré en 2012. Cinq ans après, le bras de fer se poursuit entre les groupes armés et le pouvoir central de Bamako. On ne compte plus les attaques contre les forces internationales déployées par l’ONU.
La presse malienne ne cesse de tirer la sonnette d’alarme. Elle dénonce régulièrement un phénomène en passe de devenir un fléau national.
«Le Nord fait l’objet d’attentats terroristes et toutes sortes d’atrocités… La capitale, Bamako et ses environs, est en passe de basculer dans la terreur», peut-on lire dans les colonnes du journal Le carrefour qui déplore l’impuissance de l’armée malienne.
Le syndrome d’une partition du pays
Les Maliens sont de plus en plus nombreux à accuser l’Etat de fuir ses responsabilités et d’abandonner les populations du Nord à leur sort. Là-bas, des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, régulièrement visées par des attaques.
Le nord du Mali était tombé en 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à al-Qaïda. Ces groupes en ont été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France. Mais la paix dans cette région reste fantomatique en dépit de la signature en juin 2015 d’un accord de paix, censé isoler les djihadistes.
Un accord de paix resté lettre morte
L’application de cet accord accumule des retards. Certains signataires sont accusés d’être de connivence avec des groupes armés terroristes présents dans le Nord.
«Nous avons aujourd’hui des preuves matérielles qui démontrent cette collusion, une certaine porosité», a déclaré le commandant de la force française Barkhane au Mali. Une descente aux enfers qui fait craindre aux Maliens le risque d' une partition de leur pays. Pour le chef de file de l’opposition malienne, Soumaïla Cissé, c’est la survie même du Mali, en tant que nation libre et souveraine, qui est en cause.
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