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L’Erythrée accepte la main tendue de l’Ethiopie

Le président érythréen Issaias Afeworki a annoncé le 20 juin 2018 l'envoi prochain d'une délégation en Ethiopie pour discuter d'une paix entre les deux ennemis jurés. Une réponse aux «signaux positifs» émis par le nouveau Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
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Le président érythréen Issaias Afeworki au sommet de l'Union africaine à Addis Abeba en 2011 (TONY KARUMBA / AFP)

«Comme c'est le cas en Erythrée, les Ethiopiens apprécient aussi de vivre en paix et en harmonie avec leur voisin (...). Les signaux positifs émis ces derniers jours peuvent aussi être perçus comme une expression de ce choix populaire», a déclaré Issaias Afeworki à l'occasion d'une journée commémorant les martyrs de la guerre d'indépendance contre l'Ethiopie.

Pour cette raison, «nous enverrons une délégation à Addis Abeba pour évaluer directement et en profondeur les développements actuels, et pour établir un plan en vue d'une action continue à l'avenir», a-t-il ajouté, selon une traduction en anglais de son discours publiée par le ministère érythréen de l'Information.

Avec ce discours, le président Issaias offre la première réponse d'Asmara aux ouvertures de paix du chef du gouvernement éthiopien, Abiy Ahmed, en poste depuis avril. Ce dernier a salué une «réponse positive». Il s’est dit prêt à «accueillir chaleureusement et avec beaucoup de bonne volonté» la délégation érythréenne, a indiqué sur Twitter son chef de cabinet, Fitsum Arega.


Badmé ou pas Badmé?
Début juin, Abiy Ahmed a amorcé un profond changement de politique. Il a ainsi annoncé son intention d'appliquer un accord de paix signé en 2000 à Alger avec l'Erythrée. Il entend aussi faire appliquer la décision, deux ans plus tard, d'une commission internationale indépendante sur la démarcation de la frontière, qui donnait la ville symbole de Badmé à l'Erythrée.

L’accord d'Alger avait mis fin à la guerre qui avait opposé l'Ethiopie et l'Erythrée de 1998 à 2000 (80.000 morts). Un désaccord sur le tracé de la frontière avait en partie été à l'origine de ce conflit.

En 2002, une commission soutenue par l'ONU avait tranché en faveur de l'Erythrée. L'Ethiopie avait refusé de se conformer à cette décision. L'Ethiopie n'a pas indiqué quand ses troupes quitteraient Badmé. A la mi-juin, un journaliste de l'AFP avait constaté qu'elles étaient toujours sur place.

Remous en Ethiopie
L'annonce d’Abiy Ahmed a été mal accueillie à Badmé même. Les quelque 18.000 habitants craignent de se retrouver sous la coupe de leur ancien ennemi.

L’affaire a aussi provoqué quelques remous au sein de la coalition au pouvoir en Ethiopie, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF). Une de ses composantes, le Front de libération du peuple tigréen (TPLF), dont l'influence semble diminuer depuis l'arrivée au pouvoir de M.Abiy, a réclamé une réunion d'urgence de l'EPRDF sur ce dossier.

Soldats éthiopiens près de Badmé, le 20 novembre 2005. (MARCO LONGARI / AFP)

L'occupation de Badmé et la nécessité de se défendre contre l'Ethiopie sont depuis des années des arguments utilisés par le président Issaias, au pouvoir depuis 1993, pour justifier un régime parmi les plus répressifs au monde. Un régime parfois appelé la «Corée du Nord» des sables.

Vers un rapprochement de l’Erythrée avec les Etats-Unis?
L'autoritarisme du régime Issaias a isolé l'Erythrée sur la scène diplomatique et provoqué un exode massif de ses citoyens qui ont préféré les dangereuses routes migratoires vers l'Europe à la vie dans leur pays. La dictature érythréenne a institué un service militaire à durée illimitée, mesure qui a largement contribué à aggraver la situation.

Autrefois façade maritime de l'Ethiopie, l'Erythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991 au terme d'une guerre de trois décennies.

Ce début de rapprochement entre l'Ethiopie et l'Erythrée intervient quelques semaines après la visite à Asmara fin avril du sous-secrétaire d'Etat américain en charge de l'Afrique, Donald Yamamoto. La première d'un haut responsable américain en Erythrée depuis plusieurs années.

Dans son discours mercredi, Issaias Afeworki, longtemps très critique à l'égard des Etats-Unis, s'est dit disposé à travailler avec l'administration Trump. Celle-ci «est essentiellement le sous-produit ou le résultat d’erreurs passées. Comme telle, elle envoyé plusieurs signaux qui attestent de son désir de changer les politiques qui ont perdu leur utilité», a-t-il estimé.

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