Le Sénégal mène une vaste opération militaire en Casamance pour y affirmer son autorité
Trois camps de rebelles ont été neutralisés par l'armée sénégalaise qui réveille un conflit vieux de près de quarante ans.
Des abris de bois et de tôles, des bunkers à moitié enterrés cachés sous les grands arbres de la forêt, et tout autour, des zones calcinées. Voilà ce qu'il reste de ces campements qui selon l'armée abritaient des combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Les forces sénégalaises ont dit avoir saisi des mortiers, des lance-roquettes, des fusils et des motos, qu'ils ont montrés à la presse. C'est un conflit oublié, vieux de près de quarante années, qui refait brusquement surface. Le mouvement indépendantiste de Casamance, région du sud du Sénégal, est apparu à la fin de 1982. Malgré la signature d'un accord de paix entre Dakar et le MFDC en décembre 2004, les accrochages se sont multipliés, entretenant une situation délétère de "ni guerre, ni paix" dans la région.
Trois bases démantelées
Depuis le 26 janvier 2021, l'armée sénégalaise a lancé une vaste opération pour venir à bout des dernières places fortes du mouvement casamançais. Trois de ses bases ont été attaquées dans le secteur de Sikoum et de la forêt de Blaze. Une région située à l'extrême sud du Sénégal, à la frontière de la Guinée-Bissau. L'aviation et l'artillerie ont été mises à contribution, faisant fuir les rebelles.
Aucun bilan des pertes n'a été fourni par Dakar, mais selon des journalistes de l'AFP qui ont été autorisés à se rendre sur place, ces bases étaient relativement intactes. On ignore également le nombre de ces combattants rebelles et vers où ils ont fui, l'armée sénégalaise reconnaît qu'il existe encore d'autres bases de ce type.
Un mouvement rebelle en perte de vitesse
Mais l'heure est semble-t-il venue pour Dakar de rétablir son autorité dans la région. Cette vaste opération de reprise en main s'explique par l'affaiblissement du mouvement rebelle, rendant désormais possible une opération militaire décisive. Depuis l'accord de 2004, la paix ne s'est jamais réellement installée. Le MFDC s'est fractionné entre faucons et colombes, et les tensions sont devenues vives entre factions. L'un des chefs, Abdou Elinkine Diatta, a même été assassiné, probablement par un groupe rival qui le jugeait trop tendre, en octobre 2019.
A l'époque, les observateurs y voyaient déjà un signe de la perte de vitesse du mouvement rebelle. D'ailleurs aujourd'hui, suite à l'opération militaire, un chef d'une base rebelle, Fatouma Coly, a appelé à un cessez-le-feu, "fidèle à ses engagements de vouloir régler le conflit casamançais par le dialogue et la négociation".
Un contexte régional favorable
L'opération a aussi été rendue possible grâce au réchauffement diplomatique entre le Sénégal et la Guinée-Bissau. Longtemps les relations diplomatiques ont été exécrables entre les deux pays, chacun recherchant le leadership de la région. De plus, un conflit frontalier pour une zone potentiellement riche en pétrole a conduit les deux pays devant les tribunaux internationaux.
La Casamance et la Guinée-Bissau partagent groupes ethniques et mêmes croyances. Est-ce par empathie ou pour fragiliser le voisin sénégalais ? En tout cas, Bissau a soutenu la rébellion, lui fournissant des armes et une zone de repli. Mais au fil du temps, les relations se sont normalisées. Aujourd'hui, Dakar assure avoir le soutien de son voisin pour mener son opération militaire en Casamance.
Sécuriser le retour des déplacés
Le Sénégal devait aussi garantir la réinstallation des populations déplacées de la région par le conflit. RFI rapporte l'appel de certains élus de Casamance qui réclament plus de sécurité afin de protéger les populations de retour. Car, en raison de la présence des groupes armés, le secteur était devenu une zone de non-droit, propice à tous les trafics. Elle est même devenue la première région d'Afrique de l'Ouest pour la production de cannabis.
Mais le retour de ces habitants ne se fait pas sans mal, comme le rapportait l'été dernier le journal sénégalais Le Quotidien. Dans ces zones agricoles potentiellement très riches, la population manque de tout et sa sécurité est loin d'être garantie.
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