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La présidentielle, otage du conflit au Cameroun anglophone

A quelques jours de l’élection présidentielle, le 7 octobre, la tension est à son comble au Cameroun anglophone. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les combats sont quotidiens entre les forces de sécurité et des séparatistes armés. Le scrutin ne s’y déroulera peut-être pas.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Soldats du BIR en faction à Bamenda dans l'Etat du Nord-Ouest, en novembre 2017.

Le dernier coup de main spectaculaire des rebelles s’est déroulé le 8 septembre 2018 dans le village d’Akum, à quelques kilomètres de Bamenda, la capitale régionale. Des individus armés ont attaqué un convoi de bus qui quittait la ville. Ils avaient au préalable coupé la route par une tranchée creusée au tractopelle. Un chauffeur de bus a été tué par balles et plusieurs véhicules ont été détruits dans l’attaque. La circulation a été bloquée toute une nuit avant l’intervention de l’armée qui, après de violents combats, a fait fuir les attaquants.

 
Pour Jeune Afrique, la crise est aussi en mer. Ainsi, la marine camerounaise a intercepté trois chalutiers nigérians aux abords de la presqu’île de Bakassi. Ils transportaient, selon elle, une quarantaine de mercenaires et de nombreuses armes et munitions. En fait, selon Yaoundé, cet arraisonnement confirme le lien entre les indépendantistes et le Nigeria voisin. Le port de Calabar au Nigeria serait le point de départ du soutien aux indépendantistes. Calabar est devenue la plaque tournante de tous les trafics et de tous les possibles. L’exode vers des pays plus riches et aussi pour certains, l’exaltation de la lutte armée.

L'élection présidentielle en jeu 
L’élection du 7 octobre est devenue un enjeu. Les séparatistes anglophones affirment qu’elle n’aura pas lieu  dans la région. Le pouvoir de Yaoundé entend bien ne pas reculer, mais il est confronté à la fuite de son administration territoriale. Quinze sous-préfets ont quitté leur poste dans les deux régions anglophones. Ils ont disparu sans laisser de trace, selon le site Actu Cameroun. Morts? En fuite? Deux sous-préfets ont déjà été assassinés par les sécessionnistes. Aucun remplaçant n’a encore été nommé.
 
L’armée camerounaise en tout cas ne cesse de mettre en avant ses faits d’armes. A la lire, elle multiplie les opérations de démantèlement de groupes armés. Elle reconnaît la perte de 109 hommes, mais ne donne aucun bilan total des ennemis neutralisés. Ce qui entretient les plus folles rumeurs. Certains parlent même d’un véritable génocide.


En juin 2018, l’ambassadrice américaine aux Nations Unies, Nikki Haley, a mis en cause le régime du président Paul Biya. Elle a demandé aux autorités camerounaises d'arrêter immédiatement de réprimer les populations civiles, de respecter les droits de l'Homme, la liberté d'expression et, surtout, de mener des «enquêtes crédibles» sur les allégations de massacres de civils dans le sud-ouest et le nord-ouest du pays.
 
Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme soulève la même inquiétude et réclame, sans succès, l’autorisation d’enquêter sur place, souligne RFI. « Nous aimerions réaliser des enquêtes pour aider les autorités à répondre à cette situation en respectant les cadres des droits de l'Homme. Mais jusqu'à maintenant, on n'a pas reçu d'avis favorable pour pouvoir mener ces enquêtes», déplore Julie de Rivero du département Afrique.

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