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"C'est extrêmement difficile de vivre ici" : le calvaire des Africains devenus la cible des ultranationalistes russes

Les Chefs d'Etat africains qui se retrouvent à Sotchi autour de Vladimir Poutine ces 23 et 24 octobre pour le premier sommet Russie-Afrique devraient s'enquérir du sort réservé à leurs ressortissants, victimes de "racisme anti-noir qui gangrène la société russe".

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des étudiantes de l'université des télécommunications de Saint-Pétersbourg en Russie, choquées par le meurtre d'un jeune Sénégalais, abattu en pleine rue en 2006. (KOMPANICHENKO SERGEY / SPUTNIK)

Elle est loin l'époque de l'URSS où des milliers d’Africains étaient reçus à bras ouverts à Moscou. Les choses se sont détériorées après l’effondrement du mur de Berlin. La chute du communisme s’est accompagnée d’une recrudescence des manifestations racistes à travers le pays. Des mouvements nationalistes et extrémistes se sont organisés un peu partout contre les étrangers.

Les Africains se heurtent aux stéréotypes ancrés dans la société russe en général, explique Valens Maniragena de l’Organisation humanitaire Icumbi. Une association créée à Saint-Pétersbourg et qui œuvre en faveur de l’intégration des Africains dans la société russe.

Dans l'humour, dans la presse russe, les termes nègre, singe, vendeur de drogue, délinquant ou porteur de sida sont utilisés pour qualifier l'Africain

Valens Maniragena

Organisation humanitaire Icumbi

"Là-bas, le racisme, c’est frontal"

Depuis la chute du communisme, constate-t-il, les Africains résidant en Russie ne sont plus nécessairement des étudiants, censés retourner dans leurs pays d'origine après leurs études. On y trouve des hommes d’affaires, des médecins, des ingénieurs, des réfugiés et même des familles d’anciens étudiants qui ont décidé de s’y installer. Ils sont la cible permanente des ultranationalistes russes.

"Là-Bas, le racisme, c’est frontal", témoigne H. Baldé, un Guinéen qui a fait ses études en Russie pendant cinq ans. Dans une vidéo postée sur YouTube, il a tenu à mettre ses compatriotes en garde contre un éventuel projet d'aller en Russie. Où il a juré de ne plus remettre les pieds. "Vivre en Russie en tant que Noir est extrêmement difficile. Quand vous sortez dans la rue, les gens vous traitent de singe. Vous rencontrez des gens bourrés, qui vont vous attaquer et vous massacrer. Il y a plein d’étudiants qui se sont fait tuer à cause de leur couleur de la peau seulement… Il ne faut jamais marcher seul dans la rue."

"Va-t'en en Afrique, ici c’est la Russie"

Ils sont francophones, originaires d’Afrique de l’Ouest et du centre, mais aussi anglophones venus du Zimbabwe ou du Kenya. A leurs conditions de vie misérables en Russie s’ajoute la violence quotidienne. Ils se barricadent et vivent la peur au ventre. "Ce n’est pas facile de vivre ici. Nous sommes au XXIe siècle, mais jusqu’à maintenant, on nous injurie… J’ai même honte de prononcer ça : ''Macaque, nègre, va-t'en en Afrique, ici c’est la Russie, on ne vous connaît pas'", témoigne au micro de RFI un ressortissant congolais surpris par le racisme anti-noir à Moscou, alors qu’il tentait de rejoindre l’Europe occidentale.

Sans papiers et sans existence légale

Dans un reportage tourné à Moscou et mis en ligne sur le site Totem-World, plusieurs étudiants africains ont témoigné de leur difficulté à vivre en Russie. Ils sont nombreux à ne plus disposer de papiers. Ils n’existent donc pas légalement et ne sont pas autorisés à travailler.

"Je me souviens, témoigne un Malien, c’était en 2013. On a travaillé dur sur un chantier pendant l'hiver. A moins 20 degrés. On a fait un mois là-bas. On nous a promis un salaire de 1000 euros. Après un mois, on a réclamé notre argent. Pas d’argent. On a fait du bruit. Ils ont appelé les policiers, qui nous ont menacés de nous renvoyer dans nos pays."

Devenus indésirables en Russie, les Africains ne savent pas où donner de la tête, d’autant plus que les autorités administratives nient cathégoriquement l’existence de racisme dans le pays. Les plaintes déposées par les victimes restent généralement sans suite, explique Valens Maniragena de l’Organisation humanitaire Icumbi"Lorsque la police fait preuve de bonne volonté, les violences provoquées par les mouvements extrémistes sont tout simplement qualifiées d’actes de vagabondage ou de petit banditisme", déplore-t-il.

Aussi, les Africains vivant en Russie suivent particulièrement le sommet de Sotchi qui réunit autour de Vladimir Poutine de nombreux chefs d’Etat africains. Avec l’espoir de ne pas être les oubliés de ce grand rendez-vous, qui consacre le retour de la Russie en Afrique.

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