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CAN 2019 : en Algérie, la contestation pas dupe des opérations séduction du pouvoir

En organisant un "pont aérien" pour emmener les supporters des Fennecs en Egypte, le pouvoir algérien espère regagner une population qui réclame son départ depuis cinq mois, mais la contestation ne baisse pas la garde, constate l’AFP. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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De jeunes Algériens font la queue devant un stade, le 16 juillet 2019, pour acheter des billets d'avion pour Le Caire afin de soutenir leur équipe lors de la finale de la CAN 2019, le 19 juillet, entre l'Algérie et le Sénégal. (RYAD KRAMDI / AFP)

Quelle que soit l’issue de la finale de la CAN 2019, le 19 juillet entre l’Algérie et le Sénégal au Caire, le mouvement inédit de contestation qui secoue l'Algérie depuis le 22 février dit rester mobilisé pour un 22e vendredi et pour les suivants de manifestations hebdomadaires réclamant le départ des dirigeants hérités des vingt ans de présidence d'Abdelaziz Bouteflika, contraint lui-même à la démission le 2 avril.

La contestation dénonce des "pratiques boutéflikiennes"

L'Etat a tenu "à mobiliser tous les moyens matériels et humains disponibles pour satisfaire" la demande des supporters de "faire le déplacement pour encourager" leur équipe, a expliqué le Premier ministre Noureddine Bedoui – une des têtes de turc des manifestants –, en annonçant que 28 avions affrétés par le gouvernement et l'armée transporteront plus de 4500 supporters vers le stade où va se tenir la finale. "Le pouvoir veut mettre à profit l'élan populaire envers cette équipe, dans l'espoir de diminuer la pression que fait peser sur lui tous les vendredis le Hirak" (le mouvement de contestation), analyse Noureddine Bekkis, enseignant en sociologie politique à l'Université d'Alger. Mais "ces avions vont partir avec des jeunes du Hirak" qui "à la fin de la CAN (...) reviendront manifester chaque semaine".

"Le pouvoir escompte des dividendes, alors qu'il reste sourd aux revendications" des manifestants, explique à l'AFP Yazid Ouahib, chef de la rubrique Sport du quotidien francophone El Watan, mais "c'est une forme de corruption" qui n'aura "aucun impact sur le mouvement populaire", car depuis "le 22 février, le peuple a montré qu'on ne peut pas se jouer de lui".

Liberté, l'autre grand quotidien francophone algérien, a dénoncé le 17 juillet les "pratiques populistes, comme ces ponts aériens pour suivre les matches de l'équipe nationale, qui rappellent malheureusement les pratiques 'boutéflikiennes'", soulignant que "le cadeau surmédiatisé a vite été compris comme étant un élément des manœuvres du pouvoir".

Sur les réseaux sociaux, de nombreux appels à ne pas profiter des avions du régime ont fleuri, sans grand succès, des milliers de jeunes supporters se massant dès le 16 juillet pour s'inscrire auprès de l'organisme chargé du déplacement.

De nombreuses chansons du Hirak inventées dans les stades

Outre que ses chances de gagner sont minimes, le pari du pouvoir pourrait même s'avérer contre-productif. Car ces milliers de supporteurs transportés jusqu'au Caire sont aussi souvent des militants actifs du Hirak, en partie né dans les stades algériens de football. En Algérie, "les stades ont toujours été un lieu de contestation politique" et les "véritables pourvoyeurs des slogans anti pouvoir et de la critique du pouvoir", souligne M. Bekkis. De nombreux chants entonnés dans les manifestations du Hirak sont nés dans les stades et à leur tour, "les supporters de l'équipe nationale chantent des chansons tirées du hirak", ajoute-t-il.

Ces supporters pourraient profiter de la tribune offerte par la finale de la CAN 2019 pour exprimer leurs revendications, alors que le président par intérim Abdelkader Bensalah sera présent dans le stade. Un supporteur a écopé d'un an de prison en Algérie pour avoir brandi en Egypte une banderole portant un slogan du Hirak. "Mon cousin est parti pour la demi-finale et nous a raconté que dans l'avion", affrété déjà par les autorités, "les supporters chantaient des slogans du hirak", raconte à l'AFP Lamia Messaoudene, étudiante de 21 ans, pour qui le "pont aérien" n'aura aucune influence sur la contestation: "Ce pouvoir corrompu ne peut pas nous corrompre avec 28 avions."

Refuser de rencontrer Bensalah en cas de victoire

Les manifestations de vendredi devraient à nouveau mobiliser fortement. "Même si des supporters partiront (au Caire), il en restera toujours assez pour manifester le vendredi. Puis le soir après le match", rappelle à l'AFP l'ancienne star du football algérien Ali Fergani, devenu analyste sportif.

En cas de victoire, l'équipe doit être reçue par M. Bensalah et déjà sur les réseaux sociaux, des appels sont lancés aux joueurs pour qu'ils refusent la cérémonie officielle à Alger. Les joueurs algériens se sont peu exprimés sur le Hirak, mais Ryad Mahrez, star de l'équipe, a publié une vidéo dans laquelle ses équipiers et lui chantent La Liberté, chanson du rappeur algérien Soolking dédiée au Hirak.

Malgré la CAN, de nombreux Algériens rappellent que la plus grande victoire algérienne serait le départ du pouvoir. "On aimerait bien gagner la 2e Coupe d'Afrique (de l'histoire de l'Algérie), mais ce n'est qu'un jeu, la priorité c'est la 2e République", rappelle Faradji Mounir sur la page Algérie Debout.

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