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Burundi: l’ONU accuse des responsables de l’Etat de crimes contre l’humanité

Sur la base de centaines d’entretiens, une commission d’enquête des Nations Unies accuse ouvertement des responsables burundais de haut rang de crimes contre l’humanité et exhorte la Cour pénale internationale à enquêter de toute urgence sur leurs atrocités. Un conseiller du président Nkurunziza a aussitôt riposté en traitant les enquêteurs de «mercenaires» commandités par l’UE.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le président du Burundi, Pierre Nkurunziza, recevant l'émissaire du Secrétaire genéral de l'ONU, Michel Kafondo, au palais présidentiel à Bujumbura, le 29 juin 2017. (STR/AFP)

Un an après sa création par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi a rendu public, le 4 septembre 2017, un rapport accablant pour les autorités de ce pays.

Des responsables au plus haut niveau de l'Etat accusés d'atrocités
Au terme de plus de 500 entretiens avec des victimes, des témoins et d’autres sources diverses ayant fuit le pays, les enquêteurs ont pointé du doigt «des responsables au plus haut niveau de l’Etat», les accusant de crimes contre l’humanité lors des violences survenues dans le pays en avril 2015, après la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat.
 
Dans son rapport, la commission indique en effet «avoir des motifs raisonnables de croire que plusieurs de ces violations, commises en majorité par des membres du service national de renseignement, de la police et de l’armée ainsi que des Imbonerakure (milice pro-gouvernementale, selon l’ONU), constituent des crimes contre l’humanité».
 
«Ces actes (…) ont été perpétrés dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre la population civile… Ces actes entrent dans le cadre d’une politique de l’Etat burundais», a ajouté sans ambages Fatsah Ouguergouz, le président de cette commission.
 
Cette dernière cite dans son rapport «des violations souvent d’une cruauté extrême, en particulier des exécutions extrajudiciaires, des arrestations et détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et violences sexuelles».

Des insultes à caractère ethnique à l'encontre des Tutsis 
La commission souligne également que les victimes de ces exactions sont en majorité de jeunes hommes qui «ont comme point commun d’être des opposants au gouvernement ou perçus comme tels».
 

Le rapport précise que lors de ces violations, des insultes à caractère ethnique ont été prononcées à l’encontre de membres des Tutsis créant un climat de haine et de terreur, sans pouvoir toutefois «attester de l’existence d’une volonté politique d’éliminer ce groupe ethnique en entier ou en partie, comme le requiert la définition du génocide». La commission a d’ailleurs établi une liste confidentielle d’auteurs présumés de ces crimes, accompagnée d’informations sur certains actes qu’ils auraient commis et commandités.
 
Selon elle, «de grandes décisions, y compris celles qui ont débouché sur des violations graves des droits de l’Homme, ne seraient pas prises par le gouvernement, mais par le président de la République entouré d’un cercle restreint de généraux», parmi lesquels le ministre de la Sécurité publique et l’Administrateur général du service national de renseignement.

La CPI appelée à enquêter «dans les plus brefs délais» 
Enfin, au vu de l’impunité régnant dans le pays, la commission demande «à la CPI d’ouvrir dans les plus brefs délais une enquête sur le Burundi depuis avril 2015». L'ONG Forum pour la conscience et le développement (Focode) avait fait la même demande quelques jours auparavant, le 30 août 2017.  
 
Le Burundi ayant notifié sa décision de se retirer de la CPI le 27 octobre 2016 et ce retrait ne prenant effet qu’un an après, la Cour a jusqu’au 27 octobre 2017 pour ouvrir une enquête de son propre chef. Passé cette date, seul le Conseil de sécurité de l’ONU pourra faire appel à cette institution internationale.
 
En proie à une violente crise politique depuis la réélection de Pierre Nkurunziza, le 21 juillet 2015 lors d’un scrutin boycotté par l’opposition, le Burundi avait refusé d’ouvrir sa porte aux enquêteurs.

 
Si le gouvernement n’a pas réagi officiellement au rapport de la commission onusienne, c’est un conseiller chargé de la communication présidentielle qui s’en est chargé.
 
Commentant l’information sur le rapport des enquêteurs onusiens, l’Ambassadeur Willy Nyamitwe a écrit sur son compte Twitter: «Ces personnes agissent comme des mercenaires, payés pour arriver à des conclusions politiquement motivées et commanditées par l’Union Européenne.»

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