Burkina Faso: le frère de Blaise Compaoré, arrêté à Paris puis laissé en liberté
Il avait été arrêté la veille à sa descente d’avion à l’aéroport de Roissy en vertu d’un mandat d’arrêt international.
Frère cadet de l’ex-président renversé en 2014 et l’une des personnalités les plus impopulaires d’un régime qui est resté en place pendant 27 ans, François Compaoré, 63 ans, est réclamé par la justice burkinabé depuis mai 2017. Celle-ci enquête sur l’assassinat du célèbre journaliste d’investigation Norbert Zongo.
«Petit président»
Directeur de publication de l'hebdomadaire L'Indépendant, Norbert Zongo et trois autres personnes avaient été retrouvés morts carbonisés dans leur véhicule le 13 décembre 1998 dans le sud du Burkina. Auteur de plusieurs enquêtes retentissantes dénonçant la mauvaise gouvernance sous le régime Compaoré, il travaillait, au moment de son assassinat, sur la mort du chauffeur de François Compaoré. Ce dernier, surnommé le «petit président», était conseiller économique du chef de l’Etat.
Les circonstances de ces assassinats n’ont jamais été établies. Ceux-ci avaient entraîné de violentes manifestations contre le président Blaise Compaoré et ouvert une crise politique et sociale. Les réactions internationales avaient été très vives.
François Compaoré s'est enfui de son pays lors de l'insurrection populaire d'octobre 2014 et a obtenu la nationalité ivoirienne en même temps que son frère Blaise. Depuis, son épouse et lui «coulent des jours tranquilles» à Abidjan où ils «ont élu domicile dans une villa cossue de Cocody-Ambassades, un quartier chic d’Abidjan», révèle Jeune Afrique. Villa «gracieusement mise à la disposition du couple par Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intérieur». Les autorités ivoiriennes refusent son extradition.
L’ancien dignitaire burkinabé se rendait régulièrement en France. Et disait voyager «sans problème».
«Si ce n'est toi, c'est donc ton frère»
En 2000, l'association Reporters sans frontières (RSF) avait tenté de se porter partie civile en France contre Blaise Compaoré dans l'enquête sur l’assassinat de Norbert Zongo. L’ex-chef de l'Etat burkinabé se trouvait alors en visite officielle à Paris. La plainte avait été classée sans suite.
Six «suspects sérieux» avaient ensuite été identifiés par une commission d'enquête internationale mise en place par les autorités burkinabées et à laquelle participait RSF. Mais seul un ancien chef de la garde rapprochée du président Compaoré avait été inculpé pour «assassinat», avant de bénéficier d'un non-lieu en juillet 2006, confirmé en appel.
Dans l'enquête sur la mort de son chauffeur, François Compaoré a, un temps, été inculpé de «meurtre et recel de cadavre». Mais dans le dossier Norbert Zongo, il n'avait jamais été inquiété avant l'émission de ce mandat d'arrêt. Longtemps laissé dans les tiroirs, ce dossier avait été rouvert à la faveur de la chute du régime. Mais certains opposants doutent de la volonté des autorités burkinabées de faire la lumière sur les crimes du passé, d’autant que certains proches de l’ex-dirigeant sont toujours au pouvoir. L’actuel président, Roch Marc kaboré, fut ainsi le bras droit de ce dernier avant de passer dans l’opposition.
En décembre 2015, trois anciens soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne du président Compaoré dissoute après sa tentative de coup d'Etat manqué mi-septembre 2015, ont été inculpés par la justice burkinabé dans cette affaire.
François Compaoré «a été entendu trois fois par la commission d'enquête internationale et trois autres fois par une juridiction d'instruction au Burkina, or chacune de ces deux procédures l'a disculpé» dans ce dossier, fait valoir son avocat en France. «Le pouvoir en place, qui ne parvient pas à retenir de charges contre Blaise Compaoré, change aujourd'hui son fusil d'épaule et accuse son frère», estime Me Sur. «Comme dit la fable («Le loup et l’agneau» de La Fontaine): ‘‘Si ce n'est toi, c'est donc ton frère’’».
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