Buhari, président du géant continental, est le premier hôte africain de Trump
Le Nigérian Muhammadu Buhari aura les honneurs de la Maison Blanche le 30 avril 2018. Il est le premier dirigeant africain à être invité par le président des Etats-Unis, Donald Trump. Au programme de leur rencontre, selon un communiqué de la Maison Blanche, il sera question de renforcer leur «partenariat stratégique» et de faire avancer leurs «priorités communes», à savoir «la promotion de la croissance économique», «la lutte contre le terrorisme et les autres menaces contre la paix et la sécurité» et la possibilité de «s'appuyer» sur la position du Nigeria, celle d'un «leader démocratique» en Afrique.
PHOTOS: President @MBuhari arrives Washington DC ahead of his Working Visit to the United States. He will meet with President Trump at the White House tomorrow. #PMBinDC pic.twitter.com/E4xyQrskzi
— Presidency Nigeria (@NGRPresident) April 29, 2018
Partenaire «stratégique»
Les tensions intercommunautaires, le terrorisme et les remous autour de la présidentielle de 2019, où Muhammadu Buhari compte être candidat à sa propre succession, ne contribuent pas à faire du Nigeria un modèle de stabilité. Néanmmoins, c'est «un très bon signal que le premier chef d'Etat africain à être reçu dans le Bureau ovale soit le président démocratiquement élu (l'élection de Buhari en 2015 et le transfert pacifique du pouvoir était une première au Nigeria) du pays le plus peuplé d'Afrique et sa plus grande puissance économique», estime J. Peter Pham, directeur de la division Afrique de l'Atlantic Council, un think tank américain spécialisé dans les relations internationales. Muhammadu Buhari est l'un des deux premiers présidents africains, avec le Sud-Africain Jacob Zuma qui a démissionné depuis, que Donald Trump a contacté après son élection.
Et pour cause Abuja compte pour Washington. «Le Nigeria, plus grande économie d’Afrique, est le deuxième partenaire commercial des Etats-Unis sur le continent avec un total de biens échangés entre les deux pays au cours de l’année (2017) s’élevant à plus de 9 milliards de dollars», déclarait en mars 2018 l'ancien secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson lors de sa visite dans le pays.
Quelques mois plus tôt, en mai 2017, Nathan Holt, le directeur adjoint du bureau des Affaires de l’Afrique de l’Ouest, notait que «le Nigeria devrait compter plus de 400 millions (d'habitants) au cours des prochaines décennies, de sorte qu’au milieu de ce siècle, il devrait s’agir du quatrième pays du monde».
«Environ la moitié de la population est musulmane, poursuivait-il. Le Nigeria a de l’influence (...) non seulement en tant que puissance économique, mais aussi en tant que puissance militaire (...). Il a également une industrie cinématographique et musicale dynamique dont l’influence rayonne bien au-delà de ses frontières».
As long as I remain the Commander-in-Chief of the Armed Forces of the Federal Republic of Nigeria the Chibok girls will NEVER be forgotten. Everything possible will be done to have them reunited with their families.
— Muhammadu Buhari (@MBuhari) April 13, 2018
Retour de la confiance sur les questions sécuritaires
Autant d'atouts qui font du Nigeria un interlocuteur incontournable pour parler de sécurité sur le continent et surtout de lutte contre le terrorisme, avec en ligne de mire le groupe terroriste Boko Haram et ses multiples exactions (enlèvement des jeunes filles de Chibok et de Dapchi notamment).
Dans ce domaine, l'arrivée de Donald Trump à la tête de l'exécutif américain a décrispé la relation entre les deux pays. Aujourd'hui, «la coopération en matière de sécurité est relativement bonne», explique J. Peter Pham. L'administration Trump est moins frileuse avec le Nigeria que celle d'Obama. Cette dernière était réservée quant à la volonté du prédécesseur de Muhammadu Buhari, Goodluck Jonathan, de lutter contre Boko Haram.
L'administration Obama a ainsi «retardé la vente de certains équipements que les militaires nigérians recherchaient pour combattre Boko Haram». «Elle a (par exemple) ralenti la vente des avions Super Tucano A-24 fabriqués en Floride à l'armée de l'air nigériane.» Depuis, «la vente des Super Tucanos a été approuvée dans le cadre d'un accord de 600 millions de dollars et il y a une formation continue et d'autres formes de coopération avec l'armée nigériane.»
«Les efforts de Trump pour recentrer la politique américaine en Afrique dans une direction qui relève plus de la Realpolitik ne diffère pas vraiment de ceux des administrations républicaines précédentes», estime les universitaires Landry Signé et Nathaniel D.F. Allen dans un article publié dans The Hill. «Néanmoins, en accordant la priorité à la sécurité et en réduisant l'aide et leur liens commerciaux, les Etats-Unis pourraient affaiblir leur position stratégique à long terme sur le continent». Le Nigeria pourrait être l'exception qui confirme la règle.
Washington continue de renforcer ses liens économiques avec Abuja d'autant que les Etats-Unis importent de moins en moins de pétrole nigérian depuis 2012. Et peut-être que le Nigeria pourrait devenir «le candidat à l'accord de libre-échange "modèle"» que la Maison Blanche recherche en Afrique. «A l'heure actuelle, le seul accord de libre-échange que nous avons avec un pays africain, c'est avec le Maroc», indique J. Peter Pham. «Le Nigeria, analyse-t-il, fait partie de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao). Si vous avez accès au Nigeria, vous avez accès à un marché de plusieurs centaines de millions de personnes (...)»
Américains et Nigerians ont déjà signé en 2017 un mémorandum pour prouvouvoir les investissements et les liens commerciaux entres les deux pays, rappelle le journal nigérian Vanguard. En marge de la visite officielle du président Buhari, des rencontres avec des sociétés et de grandes banques d'investissement américaines sont à l'ordre du jour.
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