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Avec le Covid-19, le bulletin de santé des responsables politiques en Afrique gagne en transparence

Contrairement à leurs habitudes, avec la pandémie liée au nouveau coronavirus, les dirigeants africains ont dû faire montre de plus de franchise sur le plan médical.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le Covid-19 a obligé les responsables politiques africains à communiquer sur leur état de santé.  (FTV)

Le carnet de santé des hommes politiques africains s'apparente presque à un livre ouvert depuis le début de la pandémie liée au Covid-19. L'opacité qui règne habituellement en la matière n'est pourtant pas une spécificité africaine. Cependant, elle est souvent plus grande sur le continent où des dirigeants malades continuent de diriger un pays alors qu'ils ne sont plus en état de le faire. A l'instar de l'ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika qui a été finalement chassé du pouvoir.

Le nouveau coronavirus a quelque peu changé la donne concernant la santé de la classe politique africaine, tout cas d'infection au virus SARS-CoV-2 devant être déclaré, pandémie oblige.  

De retour d'un voyage en Namibie, par précaution, le chef de l'Etat botswanais Mokgweetsi Masisi a été ainsi placé en quarantaine le 21 mars 2020. Un communiqué du gouvernement en expliquait les raisons. Après 14 jours d'isolement, le dirigeant a été testé négatif au Covid-19. Le président de la Commission de l'Union africaine Moussa Mahamat Faki a également fait part, lui aussi, de son confinement après qu'un membre de son cabinet a déclaré la maladie. Ses tests sont également revenus négatifs, a-t-on appris par le biais de son compte twitter.  

Carnet de santé diffusé sur la Toile

Communiquer sur son état de santé n'est plus, semble-t-il, un tabou. Des ministres ont annoncé sur les réseaux sociaux qu’ils rentraient en quarantaine, qu’ils avaient été testés positifs ou encore qu’ils étaient malades et, plus tard, qu'ils étaient guéris. Par exemple, le Premier ministre ivoirien Amadou Gon Coulibaly, candidat déclaré à la prochaine présidentielle, a annoncé son isolement à compter du 24 mars 2020 après avoir été en contact avec une personne malade. Quatorze jours plus tard, il annoncera qu'il est "de retour au bureau".  

Au Burkina Faso, après le décès lié au coronavirus de la deuxième vice-présidente du Parlement burkinabè, Rose Marie Compaoré, plusieurs ministres burkinabè ont indiqué qu'ils avaient contracté le virus. L'évolution de l'état de santé du ministre des Affaires étrangères Alpha Barry a ainsi pris des allures de feuilleton à rebondissements. Après avoir démenti des rumeurs indiquant qu'il était malade et affirmé qu'il avait dû même rassurer au téléphone sa mère inquiète, Alpha Barry a ensuite fait savoir que "la rumeur (était) devenue réalité".

Le feuilleton "sanitaire" s'est terminé par la publication, le 1er avril sur Twitter, de clichés du diplomate faisant du sport, suggérant ainsi qu'il était de nouveau d'attaque. Ce dernier, qui a repris son poste le 20 avril, a récemment confié à RFI qu'il avait eu de "la chance" .

Le nouveau coronavirus aura été moins clément vis-à-vis du chef de cabinet du président Muhammadu Buhari, Mallam Abba Kyari. Dans un hommage "à (son) ami",  le chef de l’Etat nigérian a rappelé que le responsable politique était mort le 17 avril 2020, à l’âge de 67 ans, des "suites de complications causées par le coronavirus"

Le président a définitivement confirmé une information qui, il y a un mois encore, était un secret de polichinelle. Alors que le bureau de Mallam Abba Kyari avait été inspecté par l'équipe en charge de la lutte contre le Covid-19, le ministre nigérian de l'Information et de la Culture Lai Mohammed n'avait pas voulu confirmer à la presse que l'éminence grise du président Buhari avait été testée positif, relate le journal nigérian Premium Times.

Les autorités nigérianes ont été de nouveau prises en défaut lors des funérailles de Mallam Abba Kyari. Les Nigérians se sont indignés du fait que la distanciation physique, qui leur est imposée depuis quelques semaines, n’ait pas été respectée pendant les obsèques du dignitaire nigérian, comme on peut le constater sur les images diffusées sur les médias nigérians et internationaux. Le gouvernement a fini par faire son mea culpa.

(Le chef de cabinet du président nigérian Muhammadu Buhari, Abba Kyari, a été enterré samedi. Il est mort après avoir contracté le coronavirus.)

En Guinée, c’est le patron de la Commission électorale nationale indépendante, Me Amadou Salif Kébé, et le sécrétaire général du gouvernement guinéen, Sékou Kourouma, qui ont succombé, tour à tour, les 17 et 18 avril à la maladie. Les deux hommes étaient des proches du président Alpha Condé, âgé de 82 ans.

Toutefois, aucun chef d’Etat africain – en dépit parfois de leur proximité avec des personnes contaminées, du taux de contagiosité élevé de la maladie et même de la fragilité de l’état de certains –, n’a jusqu'ici déclaré avoir contracté le virus. A leur décharge, les tests du président brésilien Jair Bolsonaro et de son homologue américain Donald Trump sont revenus négatifs malgré des membres de leur entourage infectés par le nouveau coronavirus.

Les doutes sont pourtant légitimes. En 2017, le président Buhari s’était longuement absenté de son pays pour raison de santé. Il était alors soigné en Grande-Bretagne. Ce qui n’est aujourd’hui plus possible, la pandémie n'autorisant plus cette habitude des responsables politiques africains de se faire soigner à l’étranger.  

En Ouganda, les évacuations sanitaires devraient être officiellement bannies pour les membres du gouvernement. C’est ce que promettait, il y a deux ans, le président Yoweri Museveni dès l'ouverture d’un hôpital de pointe attendu courant 2020. C'est déjà une réalité au Niger, où les évacuations sanitaires sont limitées depuis 2018 afin de mieux permettre de financer les infrastructures de santé. Cette réallocation des ressources, au profit du plus grand nombre, est aussi l'objectif visé par l'Etat béninois.

Une certitude : à l'heure des fermetures de frontières et du confinement face au Covid-19, tous ces acteurs de la scène politique ont dû se contenter des soins disponibles dans leurs pays respectifs et tester ainsi l’efficacité (ou non) de leurs systèmes nationaux de santé, réputés précaires.

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