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Afrique du Sud: Nkosazana Dlamini-Zuma part à la conquête de l’ANC, et du pays

Personnalité politique influente et clivante en Afrique du Sud, Nkosazana Dlamini-Zuma ne cache plus ses intentions présidentielles, en se portant candidate pour prendre la tête de l’African National Congress (ANC), le parti au pouvoir. Mais la campagne s’annonce rude pour cette dirigeante expérimentée.
Article rédigé par Noe Michalon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Nkosazana Dlamini-Zuma, le 27 mars 2017. (Erasmus Nche / ANADOLU AGENCY / AFP)

Ancienne présidente de la Commission de l’Union africaine, ancienne ministre de l’Intérieur, ancienne ministre des Affaires étrangères, ancienne ministre de la Santé: malgré un CV chargé, la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini Zuma est désormais libre de toute fonction depuis janvier 2017. Celle qui fut aussi l’épouse du président Jacob Zuma jusqu’en 1998 a désormais une nouvelle ambition: remplacer son ex-mari au sommet de l’Etat.

Vendredi 16 juin, la prise de parole de Mme Dlamini-Zuma devant la branche des jeunes de l’ANC, l’ANCYL, était attendue. «Je suis prête à diriger. Je ne peux en aucun cas refuser la responsabilité qui m’est donnée», a-t-elle déclaré sans ambages, en acceptant sa nomination proposée par les jeunes pour prendre la tête de la formation de Nelson Mandela lors du prochain congrès du parti, en décembre prochain. Avec le soutien cumulé des jeunes et d’une association de vétérans, elle semble bien partie pour remplacer Jacob Zuma à cette fonction, mais la route ne s’annonce pas de tout repos.

Celle qui reste en bons termes avec son ex-mari doit déjà faire face à la concurrence du vice-président du pays, Cyril Ramaphosa. Le soutien affiché de Jacob Zuma à son ancienne épouse pour lui succéder pourrait alors se retourner contre elle, et les soutiens de la candidate font tout pour la désolidariser du chef de l’Etat.

«La lutte sera très disputée et Cyril Ramaphosa a toutes ses chances», estime Barnaby Fletcher, analyste politique pour Control Risks. «L’ANC traverse actuellement une crise profonde, avec des divisions importantes. C’est un parti qui rassemble depuis ses origines des communistes, des capitalistes et toutes sortes de courants politiques, et le premier défi du président de l’ANC sera de rassembler ces tendances pour arriver unis.»

De son côté, M.Ramaphosa se montre déjà particulièrement critique envers son propre gouvernement, embourbé dans des scandales de corruption à répétition. Dernière polémique en date, la révélation des Guptaleaks, une liste de 200.000 e-mails accusant le chef de l’Etat de clientélisme envers la riche famille Gupta. L’affaire a pris une proportion croissante, au point de menacer le président d’une (improbable) destitution.

Cyril Ramaphosa (à gauche), le vice-président sud-africain, à un meeting avec le président Jacob Zuma au 105e anniversaire de l'ANC, en janvier 2017. (MUJAHID SAFODIEN / AFP)

L’hégémonie de l’ANC menacée
«Les Guptaleaks peuvent envenimer les attitudes contre Mme Dlamini Zuma», explique dans les colonnes du Sunday Independent le politologue Mcebisi Ndletyana. «Ils fournissent la preuve que son ex-mari est en fait pire que ce qu’on pouvait penser, ce qui soulève des questions sur son association avec lui. Cela renforce l’inquiétude parmi ceux qui soutiennent qu’elle peut être élue en 2019 (aux élections présidentielles, NDLR). En décembre, les membres de l’ANC ne vont pas seulement élire le successeur de M.Zuma, mais vont aussi chercher un candidat qui peut leur faire gagner le scrutin de 2019.»

Car en plus des scandales qui ponctuent le dernier mandat de Jacob Zuma depuis 2014, la situation actuelle dans l’Etat arc-en-ciel n’est pas au plus fort. Des marches anti-immigration se sont succédé au début de l’année et les universités sont régulièrement perturbées par des grèves contre la hausse des frais de scolarité. Pour couronner le tout, le pays est entré en récession pour la première fois depuis 2009 et la monnaie nationale, le rand, continue de baisser inexorablement.

Si Mme Dlamini-Zuma parvient à prendre la tête du parti en écartant ses concurrents directs, rien n’indique qu’elle partira favorite pour la grande bataille de 2019. Pour la première fois depuis la fin de l’apartheid, en 1994, l’ANC ne semble plus certain de gagner les prochaines élections générales. «Il y a cinq ans, on aurait ri à cette idée. Même si cela reste improbable que le parti recueille moins de 50% des voix, c’est devenu une possibilité», diagnostique Barnaby
Fletcher. Le parti de centre-gauche a subi une importante décrue de son électorat lors du scrutin municipal de 2016, et ses adversaires se renforcent.

Face à lui, l’enfant terrible de la politique sud-africaine, Julius Malema, 36 ans, ancien président de l’ANCYL, exclu en 2012 pour sa ligne radicale, s’apprête à mener une rude bataille à la tête de son parti des Combattants pour la liberté économique (EFF). Outre le leader d’extrême-gauche, l’ANC devra aussi ferrailler avec les listes de l’Alliance Démocratique (DA) de centre-droit.

Issue en partie de l’ancien parti blanc pro-apartheid, l’AD a réussi depuis plusieurs années à élargir son électorat, a élu son premier président noir en 2015, et progresse davantage à chaque élection. Un challenge de plus pour Nkosazana Dlamini-Zuma, qui aura, en cas de succès, moins de deux ans pour réunir un parti divisé et miné par les scandales.
 

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