Afrique du Sud : Julius Malema reconduit à la tête de la gauche radicale
Fondateur en 2013 du mouvement les Combattants pour la liberté économique, il avait été exclu un an plus tôt de l'ANC, parti au pouvoir en Afrique du Sud.
Le leader controversé de la gauche radicale sud-africaine, Julius Malema, a été sans surprise reconduit dans la nuit du 14 au 15 décembre 2019 à la tête de son parti, les Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Frightetrs, EFF), réuni en congrès à Johannesburg.
Agé de 38 ans (il est né en 1981), il a fondé les EFF en 2013 après son éviction du Congrès national africain (ANC) au pouvoir. Toujours coiffé de son béret rouge de "commandant en chef" du mouvement, cet homme, fils d'une domestique célibataire, fait souvent référence à la vie difficile de sa mère comme moteur de son intérêt pour la politique, rapporte la site thesouthafrican.com. Il est titulaire d'un diplôme universitaire en promotion de la jeunesse (youth development).
Entré en politique dès son adolescence, Julius Malema devient en 1997 président du Congrès des étudiants africains (COSAS) pour la province de Limpopo (nord-est) avant d'en prendre la tête au niveau national en 2001. L'année suivante, il organise dans les rues de Johannesburg une marche marquée par des violences et des pillages. En 2008, il est élu président de la ligue de jeunesse du Congrès national africain (ANCYL). "Très vite, il se fait remarquer par ses diatribes farouchement anti-Blancs", note le site de la chaîne Arte.
Il défend alors passionnément le leader Jacob Zuma, élu président en 2009 (et qui démissionnera en 2010 en raison de toutes les affaires de corruption pesant sur lui), se disant alors prêt à "prendre les armes et à tuer pour Zuma". Il a été condamné à des excuses publiques pour avoir suggéré que la jeune fille qui accusait le président sud-africain de viol "avait pris du bon temps".
Julius Malema sera finalement exclu de l'ANC en 2013.
Discours anticapitaliste et anti-Blancs
Sur son compte Twitter, l'homme se présente à la fois comme le "commandant en chef" de son mouvement et comme un "activiste révolutionnaire pour un changement radical en Afrique". Connu pour son discours anticapitaliste, il accuse les Blancs d’avoir "tout volé, les terres, les ressources, le pouvoir", rapporte Libération. A l'instar de son modèle, l'ex-dictateur zimababwéen Robert Mugabe, il veut une redistribution du pouvoir économique, qui passe notamment par une expropriation sans indemnisation des terres, actuellement détenues en majorité par la minorité blanche. Il s'agit là d'un "problème politique majeur", comme l'expliquait franceinfo Afrique en juillet 2019.
Pourquoi devrais-je payer pour quelque chose qui m’appartient ? C’est à moi
Julius Malemacité par "Libération"
En 2011, il a été condamné pour "incitation à la haine raciale" après avoir repris dans ses meetings la chanson historique de la lutte anti-apartheid Tuez le Boer (le fermier blanc). D'une manière générale, sa réthorique lui a valu de multiples poursuites devant la justice.
Il n'hésite pas aussi à lancer ses flèches contre la communauté indienne d'Afrique du Sud. La "majorité des Indiens détestent les Africains. La majorité des Indiens sont racistes, et nous ne devons jamais avoir peur de dire qu'ils sont racistes", affirmait-il ainsi en 2018, cité par la BBC.
Jeunesse noire défavorisée
Aujourd'hui, le leader des EFF se présente comme le défenseur des plus démunis et continue à prôner la redistribution des richesses au profit de la majorité noire du pays, dont la situation s'est peu améliorée un quart de siècle après la chute de l'apartheid. Lors des élections générales de mai dernier, les EFF ont réuni près de 11% des suffrages, en nette hausse par rapport au scrutin précédent, et ont augmenté de 25 à 44 le nombre de députés du mouvement au Parlement. Le mouvement recrute notamment parmi la jeunesse noire défavorisée.
"Nous sommes ici les représentants des pauvres et des opprimés, unis par notre amour pour notre peuple et notre détermination de les libérer de leurs réalités inhumaines", a réaffirmé Julius Malema en ouvrant le congrès de son parti le 14 décembre. "Les cicatrices du colonialisme et de l'apartheid sont toujours là. L'échec à changer les structures de la propriété dans notre économie et à rendre la terre à notre peuple ont abouti à ce que notre peuple dispose de droits politiques, mais pas de liberté économique", a-t-il lancé sous les applaudissements.
Selon le site d'informations en ligne Daily Maverick, "des diplomates de neuf ambassades (...) dont celles du Lesotho, de Namibie et du Liberia", ainsi que Saviour Kasukuwere, "vieux copain" du leader des EFF, ancien ministre de Robert Mugabe et "candidat à la présidence du Zimbabwe", étaient alors présents dans la salle.
Attaques contre la presse
Le congrès des EFF, le deuxième de la jeune histoire du mouvement, a été perturbé par une polémique née de son refus d'accréditer plusieurs médias locaux, dont le Daily Maverick. Lequel a publié plusieurs articles accusant des chefs du parti de détournement de fonds.
"C'est le sensationnalisme qui est désormais à l'ordre du jour. Aucun autre parti de l'Afrique du Sud post-apartheid n'a été autant considéré comme un ennemi de la société que les EFF", a déploré Julius Malema en tribune. Il a qualifié de "tempête dans un verre d'eau" les accusations de corruption, tout en les niant.
Le "commandant en chef" a retweeté un message expliquant que le "Daily Maverick et AmaBhunghane (organisation de journalistes d'investigation luttant contre la corruption, NDLR) peuvent aller en enfer et ceux qui veulent les accompagner sont les bienvenus".
Julius Malema: The likes of Daily Maverick and amaBungwane can go to hell and anyone who wants to accompany them they are welcome.” #EFF #EFFNPA #EFF2ndNPA #EFFNPA2019 #eNCA pic.twitter.com/aYlSfZdTOQ
— Dr Man's Not Barry Roux (@AdvBarryRoux) December 14, 2019
Par solidarité avec les médias interdits, la chaîne d'information eNCA a décidé du suspendre sa couverture du congrès. "Bon débarras", ont réagi les EFF dans un communiqué.
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