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Libération de deux Français au Burkina Faso : "La polémique sert parfaitement les terroristes", selon l'ex-otage Nicolas Hénin

Les critiques pointant la responsabilité de Patrick Picque et Laurent Lassimouillas se multiplient. Franceinfo a interrogé Nicolas Hénin, détenu en Syrie en 2013.

Article rédigé par Louis San - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Laurent Lassimouillas (gauche) et Patrick Picque (droite) avec une anciennce otage sud-coréenne, à Villacoublay (Yvelines), le 11 mai 2019. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Après la libération de Patrick Picque et Laurent Lassimouillas et la mort de deux soldats français lors de l'opération au Burkina Faso, les critiques pointant leur éventuelle responsabilité se multiplient. Ont-ils fait preuve d'inconséquence en se rendant dans le nord du Bénin où ils ont été enlevés ? Pour Nicolas Hénin, ancien journaliste et ex-otage du groupe Etat islamique en Syrie en 2013, cette polémique est "déplacée". "Dites-vous que les terroristes préféreront toujours que vous fassiez le procès de leurs victimes plutôt que le leur", a-t-il écrit sur son compte Twitter, dimanche 12 mai. Franceinfo l'a interrogé.

Franceinfo : Que pensez-vous des critiques visant les deux ex-otages ?

Nicolas Hénin : Pour le moment, je n'arrive pas à faire moi-même le tri entre les informations sur "Est-ce que la zone était rouge ? Est-ce qu'elle était orange ?" Je préfère rester extrêmement prudent et je ne veux pas présumer d'erreurs que Patrick Picque et Laurent Lassimouillas ont commises ou non. Je ne veux blâmer personne, ni les ex-otages sur de potentielles erreurs d'appréciation, ni le Quai d'Orsay, ni la communication de Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères.

Il faut que l'on soit tous conscients que Patrick Picque et Laurent Lassimouillas ont subi une violence considérable. Le fait d'être pris en otage est une atrocité.

Nicolas Hénin

à franceinfo

Indépendamment de violences physiques particulières qu'ils ont pu subir, lorsque l'on est pris en otage, on est privé de liberté, on se voit mourir, on imagine le pire. C'est une violence monstrueuse, pour eux et pour leurs proches.

Pourquoi la polémique sert-elle les terroristes ?

Nous prolongeons le traumatisme des otages. J'espère que la première chose que les anciens otages ont fait, ce n'est pas d'ouvrir Twitter ou d'aller consulter les commentaires au bas des articles consacrés à leur libération parce que ce serait une autre prolongation de la violence qu'ils ont subie.

Ce que souhaitent les terroristes, c'est disloquer la société. Le terrorisme est une violence asymétrique parce que les groupes terroristes n'ont pas du tout les moyens dont dispose un Etat. Alors ils ont besoin que la société qu'ils ciblent se déchire.

La polémique les sert parfaitement parce que tout le temps et toute l'énergie que nous passons  à chercher la responsabilité auprès de telle victime ou de tel ministre, c'est du temps qu'on ne passe pas à savourer la victoire de l'opération qui a permis la libération de quatre otages.

Nicolas Hénin

à franceinfo

C'est aussi une agression vis-à-vis des victimes, car cela prolonge l'action des terroristes et c'est insupportable – et c'est aussi un affaiblissement de notre cohésion alors que nous aurions toutes les raisons de nous retrouver, je dirais même de communier, pour célébrer le retour de nos compatriotes et honorer la mémoire de ceux qui sont tombés lors de l'opération.

Ne faut-il pas, malgré tout, tirer les leçons de cette prise d'otages et de l'opération menée pour libérer les deux Français ?

La polémique nous prive de moments importants de communion nationale. Mais cela ne signifie pas qu'il ne sera pas pertinent de débattre d'éventuelles responsabilités. Pour l'instant, il n'y a pas de débat. Ce sont des piques, de la stigmatisation.

Il peut y avoir, plus tard, un moment pour faire un retour d'expérience, voir les dysfonctionnements éventuels, qui ont conduit à ce que les choses ne se passent pas comme nous aurions aimé qu'elles se passent.

Il faut un temps pour tout : un temps pour le deuil, un temps pour l'analyse.

Nicolas Hénin

à franceinfo

Nous vivons un deuil et cela demande de la dignité, de la hauteur de vue. Le seul moyen d'honorer la mémoire de nos militaires qui nous ont quittés, c'est de se retrouver.

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