La sale guerre de Boko Haram se transporte hors des frontières du Nigeria
Composé en majorité de jeunes qui n'ont d'autre espoir que le djihad dans une région pauvre du Nigeria, Boko Haram (qui signifie en langue haoussa «l'éducation occidentale est un péché») mène des attentats et des raids contre les civils. Notamment sur les marchés, dans les lieux de cultes chrétiens ou dans les établissements scolaires (59 morts âgés de 11 à 18 ans le 26 février 2014 dans le lycée de Buni Yadie et 330 tués depuis janvier).
Selon le Courrier du Sahara du 20 février 2014, rapportant des informations du site en ligne Koaci, des combattants de la secte islamiste se formeraient au maniement d’armes à longue portée dans un camp au Niger. Le chef de l’armée nigérienne, qui n’a pas confirmé l’info, a annoncé quelques jours plus tard l’arrestation d’une vingtaine d’entre eux à «Diffa, dans l’extrême est du pays, près de la frontière avec le Nigeria». Ils se préparaient à attaquer, selon lui, des marchés.
Ces combattants, qui veulent la création d'un Etat islamique dans le nord du Nigeria à dominante musulmane, passeraient les frontières avec les réfugiés fuyant les combats. Depuis que l’armée nigériane a lancé une offensive dans la région en mai 2013, dans les Etats de Borno, Yobe et Adamawa, 300.000 personnes prises en étau entre les deux camps, dont 51% d’enfants, ont fui, selon l’ONU.
«Parmi les effets pervers de cette offensive (de mai 2013, NDLR), il y a les débordements de Boko Haram vers les pays voisins et un possible rapprochement avec les frères ennemis d'Ansaru, qui s'inscrivent dans une mouvance terroriste beaucoup plus mobile et globale, avec des connexions plus évidentes avec al-Qaïda», estime Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria, pour Jeune Afrique.
Une poudrière
Si Boko Haram essaime au Cameroun et au Niger, qui lui servent de base arrière, il pourrait également s’exporter en Centrafrique pour défendre les musulmans pourchassés. On l'a signalé au Mali en 2012: «Comme d’une certaine façon, les crises se renforcent mutuellement, les Etats de la région et la communauté internationale se doivent d’encourager encore davantage le retour de la stabilité au Mali afin d’éviter une rechute de ce pays ou l’effondrement d’autres Etats», précise dans le Courrier du Sahara Ahmedou Ould Abdallah, un ancien diplomate, qui dirige le Centre stratégique pour la sécurité au Sahel Sahara, basé en Mauritanie.
A N’Djamena, capitale du Tchad, début 2013, des membres du mouvement ont été signalés. Mais les autorités tchadiennes ont démenti cette info, tout en resserrant la surveillance des prêcheurs intégristes sur leur territoire. Leur pays était devenu une cible potentielle pour les islamistes depuis l’annonce de sa participation à la force internationale sous commandement français pour reconquérir le Mali.
La mise en place de l’état d’urgence au Nigeria ne sert à rien
La contrebande d’armes se multiplie au nord du Cameroun créant l’insécurité, comme le montre le témoignage d’un policier dans allAfrica : «De nombreuses armes à feu transportées par des trafiquants depuis des pays en crise comme le Soudan et la RCA ont été saisies dans la région ces derniers jours. Leur nombre pourrait être plus élevé en raison de l'opération de désarmement qui a lieu actuellement en RCA. La région reste une zone de trafic, car elle est proche du Nigeria.»
Mais le groupe terroriste n’est pas le seul à entretenir l’instabilité. Les forces de sécurité sont souvent montrées du doigt par les populations en raison de leur répression aveugle. «Le problème est que les forces de sécurité nigérianes ne font pas la distinction entre population civile et membres de Boko Haram. Cela ne favorise pas la collaboration des populations locales avec les forces fédérales pour lutter contre le groupe. Pour elles, la source d'insécurité vient autant de Boko Haram que des forces fédérales», analysait en mai 2013 pour Le Monde Gilles Yabi. Et le chercheur de l’International Crisis Group d’ajouter : «Aux élections de 2015, il y a des chances que Boko Haram ait un impact politique. Le président est très critiqué sur son incapacité à résoudre le problème sécuritaire au Nord. C'est un argument que peuvent utiliser ses adversaires du Nord, qui l'accusent d'utiliser Boko Haram pour diaboliser les élites politiques de cette région.»
Des mesures pour l’heure peu efficaces
Pour limiter les menaces de contagion des islamistes très aguerris au combat et multipliant les attaques depuis 2009, le commandement de l’Africom (commandement des Etats-Unis pour l’Afrique) a lancé fin février un programme de formation militaire au Niger. But : développer les capacités de défense des alliés des Américains.
Le Nigeria a fermé sa frontière avec le Cameroun pour bloquer les déplacements des insurgés et des patrouilles mixtes de soldats nigérians et nigériens surveillent leur frontière commune (1500 km). Mais les islamistes se déplacent sans problème dans la zone.
Le président français qui s’est rendu les 27 et 28 février à Ajuba, capitale fédérale du Nigeria, a assuré le pays de son soutien dans son «combat» contre Boko Haram, proposant même le «concours» de la France en cas de nécessité. Washington, déjà sur les rangs du soutien à Goodluck Jonathan, le président nigérian, a inscrit Boko Haram et Ansaru sur la liste noire des organisations terroristes.
Aujourd’hui, cependant, l’offensive militaire nigériane a accru les représailles de Boko Haram contre les civils et le conflit prend de l’ampleur. Analystes et diplomates occidentaux pensent que la solution viendra avec l’amélioration de la situation économique dans le Nord, très pauvre. Au gouvernement central d’agir, sachant que le pays est appelé à devenir la première économie du continent.
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