Dans le sud du Niger, la fermeture de la frontière avec le Nigeria ruine le commerce
Depuis que le Nigeria a fermé ses frontières sans préavis le 19 août 2019, les pays voisins sont mis à rude épreuve. Ainsi au Niger, l'indignation et l'appréhension grandissent.
La contrebande lui coûte cher et il a choisi de sévir. La décision brutale du président nigérian Muhammadu Buhari de bloquer tout échange commercial terrestre avec le Bénin, le Cameroun, le Tchad et le Niger, ses voisins, fait redouter de nombreuses faillites.
"Maradi étouffe"
Ainsi, le Niger, l'un des Etats les plus pauvres du monde, partage 1 500 kilomètres de frontière avec le Nigeria. Non loin de là, dans la région de Maradi, peuplée de 3,5 millions d'habitants, la révolte et l'inquiétude gagnent la population, dont la majorité vit de l'agriculture et surtout du commerce grâce au flux important d'échanges avec le géant nigérian, première économie d'Afrique de l'Ouest avec ses 190 millions d'habitants et ses richesses pétrolières. "Maradi étouffe, la ville d'habitude si grouillante est presque morte", se lamente Ali, un conducteur de kabou-kabou (taxi-moto) auprès du reporter de l'AFP. Amadou Oumarou, un habitant, demande aux "gouvernements du Niger et du Nigeria de se mettre autour d'une table" pour négocier.
A Dan Issa, autre commune rurale, de longues files de camions du Niger et de pays ouest-africains, vides ou chargés de marchandises, sont toujours bloqués à la frontière nigériane. Chauffeurs et apprentis dorment à même le sol ou dans les cabines de leurs mastodontes et "prient" pour une réouverture rapide de la frontière.
Pas un coup d'essai
Les plus anciens se souviennent de la fermeture pendant près de deux ans – d'avril 1984 à février 1986 – des frontières nigérianes par le même président Muhammadu Buhari, peu après son arrivée au pouvoir grâce à un putsch en 1983. A l'époque, il s'agissait de soutenir son pays confronté à la chute des cours du pétrole, la baisse des exportations et, déjà, la contrebande. La frontière n'avait été rouverte qu'après la chute de Buhari, renversé à son tour par un coup d'Etat. Arrivé au pouvoir par les urnes pour la première fois en 2015 et réélu en février 2019, le président du Nigeria n'a pas changé pas de méthode pour autant.
Faute de débouchés, l'insuffisance des ventes et la chute des prix frappent les produits locaux. "On vendait le sac de 100 kg de niébé (haricots) à 18 500 francs CFA (27 euros), mais depuis la fermeture de la frontière, son prix a chuté à 17 000, voire 16 000 FCFA (24 euros)", relève Harouna Moussa, un vendeur de céréales interrogé par l'AFP. Pour écouler leur stock de riz, certains commerçants "cassent les prix", déplore Chaïbou Tchombiano, secrétaire général du Syndicat des commerçants importateurs, exportateurs et grossistes du Niger. L'onde de choc s'est propagée jusqu'à Niamey, la capitale, à 650 km de Maradi.
Les belles heures de la contrebande
Conséquence de la fermeture des frontières, la contrebande, pourtant combattue, s'est développée, au nez et à la barbe des douanes. D'incessantes navettes de motos et camionnettes acheminent riz, niébé, souchet au Nigeria à travers des pistes tracées dans les champs. Au retour, elles ramènent des bidons d'essence, de la canne à sucre, de la patate douce, des pièces de motos et de voiture... "Si nous nous croisons les bras, nous allons mourir de faim", lance un habitant de Dan Issa, qui transporte deux chèvres à l'arrière d'un vélo.
Mais pour Mansour Sani, journaliste d'une radio locale, la situation pourrait prendre une tournure plus préoccupante encore : "Ici, dit-il, les jeunes font du commerce dès l'âge de 12 ans, c'est une bombe à retardement si la frontière reste fermée longtemps."
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