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Coup d'Etat au Niger : que sait-on des conditions de détention du président Mohamed Bazoum, renversé par la junte ?

Les proches du chef d'Etat nigérien dénoncent des conditions de détention "cruelles et inhumaines", tandis que la communauté internationale s'inquiète de son sort.
Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le président du Niger, Mohamed Bazoum, lors d'une conférence avec les Nations unies, le 2 mai 2022 au palais présidentiel de Niamey. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Séquestré, il risque des poursuites judiciaires. La junte qui a renversé Mohamed Bazoum a annoncé, dimanche 13 août, son intention de poursuivre le président élu nigérien pour "haute trahison".

Le chef d'Etat déchu est retenu depuis trois semaines dans sa résidence présidentielle, à Niamey, dans des conditions qui pourraient être "en violation du droit international", selon le responsable des droits de l'homme pour les Nations unies. Voici ce que l'on sait de la manière dont ce dirigeant est retenu prisonnier.

Il est séquestré dans le palais présidentiel

Mohamed Bazoum est retenu dans sa résidence, située à l'intérieur du palais présidentiel à Niamey, depuis que la junte militaire a pris le pouvoir, le 26 juillet. Selon Jeune Afrique, le président élu y a été reclus dès les premières heures du putsch avec son fils et sa femme, avant de passer une semaine dans le sous-sol de la résidence. Des membres de la garde présidentielle, dirigés par le général putschiste Abdourahamane Tiani, contrôlent les lieux.

"Le Niger est attaqué par une junte militaire qui essaie de renverser notre démocratie, et je ne suis que l'un des centaines de citoyens qui ont été arbitrairement et illégalement emprisonnés", a dénoncé Mohamed Bazoum dans une tribune publiée par le Washington Post, le 3 août, se décrivant comme "otage" des putschistes. Selon ses proches, le président a refusé catégoriquement de démissionner.

Il est privé d'électricité et d'eau potable

Après la publication de la tribune dans les colonnes du Washington Post, le ton s'est durci, rapporte Jeune Afrique. Le cuisinier présidentiel, qui ravitaillait quotidiennement la famille, s'est vu refuser l'accès à la résidence du président, où l'électricité a été coupée. Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), soutien de Mohamed Bazoum, a dénoncé, dans un communiqué publié sur Facebook mercredi 9 août, "des conditions de vie drastiques, cruelles et inhumaines".

Le même jour, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit "très préoccupé par les conditions de vie déplorables dans lesquelles le président Bazoum et sa famille vivraient". Il a également réclamé sa libération et sa réintégration à la tête de l'Etat, selon un communiqué des Nations unies.

La fille du président, Zazia Bazoum, était en vacances en France au moment du putsch. Interrogée par le quotidien britannique The Guardian, elle a expliqué, vendredi 11 août, que sa famille vivait désormais sur ses réserves, sans eau potable. "La nourriture qu'ils ont dans le réfrigérateur, ils ne peuvent plus l'utiliser. Ils n'ont pas de viande ou de légumes frais, donc ils ont des trucs comme du riz et des pâtes et c'est seulement ce qu'ils mangent actuellement, ce qui n'est pas bon pour leur santé", a-t-elle détaillé.

L'avocate de formation a ajouté que leur four à gaz était à court de combustible. Sans moyen de cuisson, sa famille est contrainte de manger des féculents secs. Ainsi, selon la jeune femme, ses parents ont perdu cinq kilos chacun, et son frère dix kilos. "La situation de ma famille est actuellement très difficile", a déploré la jeune femme auprès du quotidien britannique. "C'est très triste qu'ils soient tout le temps dans le noir, et il fait très chaud dans la maison… Mais ça leur va, ils disent qu'ils vont continuer à se battre", a-t-elle ajouté.

Il a reçu la visite de son médecin

Mohamed Bazoum a reçu la visite de son médecin samedi 12 août, a rapporté l'un des conseillers du président. Le soignant lui "a également apporté à manger", ainsi qu'à son fils et à sa femme. "Il va bien au vu de la situation", a précisé son conseiller.

Quelques jours avant cette visite, Mohamed Bazoum avait déclaré à Human Rights Watch que son fils Salem, âgé de 22 ans, était atteint d'une grave maladie cardiaque, nécessitant un suivi médical. Le président avait affirmé à l'ONG que ses gardes avaient, dans un premier temps, refusé de lui "permettre de recevoir des soins médicaux". Mohamed Bazoum s'était aussi dit "privé de tout contact humain" depuis le 4 août.

Les militaires ont, de leur côté, assuré de leur que le chef d'Etat recevait "régulièrement la visite de son médecin". Celui-ci "n'a soulevé aucun problème quant à l'état de santé du président déchu et des membres de sa famille", a assuré la junte après la visite du samedi 12 août.

Il a réussi à communiquer avec l'extérieur

Zazia Bazoum, la fille du président, a déclaré au Guardian être en contact quasi-quotidien avec sa famille détenue à Niamey. Malgré son isolement, le président a pu communiquer avec le monde extérieur avec son téléphone portable, comme en témoigne un échange de SMS avec un proche rapporté par le média américain CNN.

D'après le département d'Etat américain, Mohamed Bazoum a aussi pu s'entretenir par téléphone, mardi 8 août, avec le secrétaire d'Etat Antony Blinken, dont il est proche. C'est lui qui, selon Jeune Afrique, aurait suggéré la publication d'une tribune dans un média américain.

Il risque d'être poursuivi pour "haute trahison"

Les putschistes ont annoncé, dimanche 13 août, leur intention de "poursuivre" le président renversé pour "haute trahison" et "atteinte à la sûreté" du pays, sans donner de détails sur les faits qui lui sont reprochés. Le gouvernement autoproclamé affirme disposer de preuves telles que des "échanges" de Mohamed Bazoum avec des "nationaux", des "chefs d'Etat étrangers" et des "responsables d'organisations internationales"

La junte a aussi appelé à "s'interroger sur la sincérité de la prétention [du président renversé] à soutenir qu'il est séquestré, alors même que les militaires n'ont jamais investi sa résidence présidentielle et qu'il dispose encore de tous les moyens de communication".

L'annonce de ces poursuites intervient alors que les chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédeao) ont donné leur feu vert, jeudi 10 août, au déploiement de leur "force en attente", en vue d'une possible intervention militaire au Niger. La junte avait menacé de tuer Mohamed Bazoum en cas d'opération étrangère, rapporte l'agence américaine AP, citant des diplomates américains. Dans ce contexte très volatile, plusieurs dirigeants internationaux craignent que les putschistes ne mettent leur menace à exécution.

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