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Niger : ce que l'on sait de l'attaque qui a tué huit personnes, dont six Français

Huit personnes sont mortes dimanche dans la région de Kouré, dans le sud-ouest du Niger, lors d'une excursion touristique. Six humanitaires français se trouvent parmi les victimes.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Un village dans la région de Tillabéri, où a eu lieu l'attaque.  (BOUREIMA HAMA / AFP)

Huit personnes ont été tuées dans une embuscade au Niger dimanche 9 août. Six humanitaires français comptent parmi les victimes, a indiqué lundi l'ONG Acted, qui les employait. Le groupe, accompagné par un guide et un chauffeur nigérien, était parti en excursion touristique observer les girafes de la zone de Kouré, à une heure de route de Niamey, la capitale du pays. L'attaque n'a pas été revendiquée.

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Comparé aux autres pays du "G5 Sahel" sujets à des insurrections jihadistes, le Niger avait jusqu'ici été relativement épargné par des attaques terroristes, mais restait déconseillé aux voyageurs français. 

Qui sont les victimes ?

Huit personnes sont mortes, dont six Français, ont annoncé les autorités nigériennes dimanche, ce qu'a confirmé l'ONG Acted, lundi. Les victimes, quatre hommes et quatre femmes, sont âgées de 25 à 50 ans, selon l'organisation. Kadri Abdou, le président de l'Association des guides de girafe de Kouré, ainsi que son chauffeur nigérien, comptent parmi les victimes, selon un communiqué partagé sur la page Facebook de l'association. 

Nous avons la triste et horrible nouvelle de vous annoncer le décès du Président de l'Association des Guides des Girafes...

Publiée par Association des guides de girafes de Kouré sur Dimanche 9 août 2020

Parmi les victimes françaises figurent quatre femmes salariées de l'ONG et un volontaire international basé à Niamey, a précisé le cofondateur de l'association, Frédéric Roussel, lors d'une conférence de presse à Paris, lundi. "Toutes les équipes d'Acted, les dirigeants, les salariés, sont absolument dévastés, atterrés, révoltés", a réagi sur franceinfo lundi Joseph Breham, avocat de l'ONG Acted. 

Que faisait ce groupe dans cette zone ?

Le groupe d'expatriés avait profité du week-end pour partir en excursion dans la zone de Kouré, à 60 km à l'est de Niamey, la capitale. La capitale est devenue une attraction touristique il y a une vingtaine d'années quand un petit troupeau de girafes peralta, les dernières d'Afrique de l'Ouest, s'y est installé. Les assaillants se sont camouflés dans la brousse en attendant l'arrivée des visiteurs. "La plupart des victimes ont été abattues par balle et une femme qui a réussi à s'enfuir a été rattrapée et égorgée. Sur place, on a trouvé un chargeur vidé de ses cartouches", a relevé une source à l'AFP. Les photos montrent le véhicule, un 4x4 appartenant à l'ONG Acted, à moitié incendié. Les corps, retrouvés à proximité de la voiture, n'ont pas encore été identifiés.

La zone où il se trouvait était-elle dangereuse ?

Alors que la majorité du Niger est classée "rouge" par le ministère des Affaires étrangères français, la zone de Kouré est, elle, classée "jaune" – où les déplacements touristiques sont possibles. Les voyages y sont néanmoins déconseillés sauf pour raison impérative. Facilement accessible depuis la capitale Niamey, la région est fréquentée par les expatriés du pays. "Il y avait des contre-indications à être partout au Niger. Cette zone en particulier, dans la contre-indication générale du Niger, était l'une des zones les plus zens, voire la plus zen", a déclaré Joseph Breham, l'avocat de l'ONG Acted, à franceinfo. La réserve, fréquentée par près de 400 girafes, se trouve néanmoins à une centaine de kilomètres du parc national du W, ancien haut-lieu du safari ouest-africain, devenu ces dernières années un repaire fréquenté par différents mouvements jihadistes. Non loin de là est également situé le parc du Pendjari, au Bénin, où deux Français ont été kidnappés en mai 2019.

Les autorités nigériennes ont décidé lundi de "l'élargissement de l'Etat d'urgence" à la localité de Kouré, une mesure qui accorde des pouvoirs supplémentaires aux forces de sécurité, dont celui "d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit", selon les autorités nigériennes.

Peut-on parler d'attaque terroriste ?

Le parquet antiterroriste français a annoncé lundi l'ouverture d'une enquête pour "assassinats en relation avec une entreprise terroriste". Toutefois, dans le détail, les autorités restent prudentes sur l'identité du groupe terroriste à l'origine de l'assaut, aucun n'ayant pour le moment revendiqué l'initiative. Plusieurs groupes jihadistes sévissent dans la région de Tillaberi, où a eu lieu l'attaque : les miliciens de l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), venus du Mali par le Burkina-Faso, ainsi que, plus récemment, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Quaïda et en guerre contre l'EIGS, tout comme Boko Haram. 

"Il y a une expansion, qui vient à la fois de la partie ouest de Niamey, c'est-à-dire la frontière Mali-Niger, mais aussi au niveau de la frontière Burkina-Niger"estime Mathieu Pellerin, analyste Sahel chez Crisis Group, interrogé sur franceinfo. "La mobilité de ces groupes fait qu'on ne peut plus aujourd'hui exclure que des attaques surviennent dans des espaces qui sont considérés comme des zones déconseillées, dites zones oranges." Au Niger, la circulation des motos est interdite de jour et de nuit pour tenter d'empêcher les déplacements de jihadistes.

Comment la France a-t-elle réagi ?

Emmanuel Macron a dénoncé dimanche "l'attaque meurtrière qui a lâchement frappé un groupe de travailleurs humanitaires" et a promis que "tous les moyens sont et seront mis en œuvre pour élucider les circonstances de cet attentat meurtrier dans les prochaines heures".

Le président français s'est par ailleurs entretenu au téléphone avec son homologue nigérien Issoufou Mahamadou, qui a présenté ses condoléances aux familles des victimes et salué "l'engagement sans faille" de la France dans la lutte contre le terrorisme.

Afin de rechercher les auteurs de l'attaque, le ministère des Armées a annoncé lundi l'envoi d'une "patrouille de deux Mirage 2000D", ensuite remplacés par "un drone", le tout "à la demande des forces armées nigériennes". "En parallèle, une équipe de prévôts [gendarmes détachés auprès d'unités militaires en opérations extérieures] et de techniciens identification criminelle venue de Gao" a été déployée afin de porter "assistance aux forces de police locales", a-t-il ajouté.

L'ONG Acted a de son côté annoncé le prochain dépôt d'une "plainte pénale pour que soit éclairci ce qui s'est passé précisément", a précisé son avocat, Me Joseph Breham.

Le Niger est l'un des cinq pays membres du "G5 Sahel" – avec la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso et le Tchad. Des pays confrontés à des insurrections violentes et qui bénéficient du soutien de la France, qui y a déployé plus de 5 000 soldats chargés d'accompagner la lutte contre les combattants islamistes dans le cadre de l'opération Barkhane. Après cette attaque, Emmanuel Macron a annoncé qu'il convoquait mardi matin un Conseil de défense.

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