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Mauritanie : le mouvement pour l’abolition de l’esclavage maintient la pression
Depuis le 11 novembre 2014, les militants abolitionnistes mauritaniens manifestent devant les locaux du ministère de la justice à Nouakchott. Des rassemblements sont organisés les lundis et jeudis pour protester contre «la détention arbitraire» de Biram Dah Abeïd, leader du mouvement anti-esclavagiste (IRA). Gravement malade dans sa prison d’Aleg, le pouvoir lui refuse l’accès aux soins médicaux.
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Ce lundi 26 octobre 2015, leur manifestation a été violement réprimée par la police. Plusieurs centaines de militants abolitionnistes s’étaient rassemblés sous les fenêtres du ministre de la Justice pour dénoncer le refus des autorités de laisser leur leader accéder à des soins médicaux.
Dans la prison d’Aleg, où il est enfermé depuis plus d’une année, le militant anti-esclavagiste souffrirait de graves douleurs au dos et à l’abdomen nécessitant des examens approfondis. «Aucun transfert de sa prison vers un hôpital n'est à l'ordre du jour», écrit l’hebdomadaire Jeune Afrique.
En l’absence de tout soin, affirme son mouvement, la maladie se propage sur tout son corps, à un rythme soutenu.
Biram Dah Abeid, symbole du mouvement abolitionniste
Le chef du mouvement anti-esclavagiste mauritanien avait été arrêté en novembre 2014 en compagnie de dix autres militants, alors qu’il faisait campagne sur la question des droits fonciers des descendants d’esclaves. Sa peine avait été confirmée en appel le 20 août 2014. Coupable «d’appartenance à une organisation non reconnue», de «participation à une réunion non autorisée et d’appel à la haine».
Le 7 novembre 2014, le président de l’IRA avait participé au lancement d’une caravane, à l’initiative de plusieurs associations de défense des droits humains. Cette caravane devait sillonner le pays afin de dénoncer l’esclavage foncier dont sont victimes les membres de la communauté Haratine. C’est le nom donné aux esclaves et anciens esclaves mauritaniens.
Depuis la prison civile d’Aleg, Biram Dah Abeid lançait un appel à la communauté internationale en ces termes : «Mon pays, la Mauritanie, a le pire problème d’esclavage de la planète… Les bébés naissent sous la coupe de leurs maîtres, et sont contraints de les servir toute leur vie. Mon gouvernement veut me réduire au silence et me diabolise, me persécute, me jette en prison, et espère me voir abandonner et quitter le pays. Néanmoins, je refuse de céder à leur chantage.»
Amnesty International avait vivement protesté à la condamnation des militants anti-esclavagistes et rappelé qu’en Mauritanie, «les esclaves et leurs descendants travaillent sur des terres sans jouir d’aucun droit et sont contraints de donner une partie de leurs récoltes à leurs maîtres traditionnels».
Pour Alioune Tine, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest, Biram Dah Abeid et ses camarades sont des prisonniers d’opinion et n’ont rien à faire en prison.
« Le pouvoir se trompe de cible »
«Comment le gouvernement mauritanien peut-t-il à la fois encourager le durcissement de la loi contre l’esclavage, considéré depuis le 13 août 2015 comme un crime contre l’humanité, et arrêter et traduire en justice des militants pacifiques anti-esclavagistes», s’interroge le président de la FIDH, Karim Lahidji.
Depuis le 13 août 2015, en effet, une nouvelle loi durcit les sanctions à l’encontre d’auteurs de pratiques esclavagistes. Elle prévoit des juridictions compétentes pour juger les crimes d’esclavage.
Pour les organisations de défense des droits de l’Homme, le pouvoir mauritanien se trompe tout simplement de cible : «Ce sont les esclavagistes qu’il faut poursuivre et punir et non pas les activistes abolitionnistes», martèle Gerald Staberock, secrétaire général de l’organisation mondiale contre la torture.
Pour les militants anti-esclavagistes, le gouvernement mauritanien n’a aucune volonté politique pour accompagner la nouvelle loi sur l’esclavage qui a été adoptée par le parlement voici plus d’une année. Ils soupçonnent les autorités de chercher à décapiter leur mouvement en refusant à leur leader les soins médicaux dont il a besoin.
En 2014, l’ONG australienne Walk Free estimait à plus de 150.000, le nombre d’esclaves en Mauritanie. Soit 4% de la population.
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