: Reportage "On a enlevé nos drapeaux tricolores" : des secouristes français interviennent discrètement après le séisme au Maroc
Au milieu des décombres du village de Ouirgane, dans le Haut-Atlas marocain, Rantcho, malinois de trois ans, mâche frénétiquement un petit boudin de tissus. "C'est sa récompense parce qu'il a bien travaillé", explique Patrick Villardry, président de l'Unité légère d'intervention et de secours (Ulis). Lundi 11 septembre, l'ancien pompier et cinq autres bénévoles français, accompagnés de leurs quatre chiens, cherchent désespérément des survivants du séisme qui a frappé le Maroc. Depuis leur arrivée, la veille, dans le village, sept corps sans vie ont été extraits des débris, mais aucune personne vivante n'a été retrouvée.
>> Séisme meurtrier au Maroc : retrouvez les dernières informations dans notre direct
Dans cette zone montagneuse, où les secousses ont fait plusieurs centaines de morts, les chiens sont les alliés les plus précieux des secouristes locaux. "Ils permettent de marquer précisément la présence d'une personne ou d'un corps", explique Patrick Villardry, en donnant une grande rasade d'eau fraîche dans la gueule de son chien. Un soutien bienvenu localement, mais qui se retrouve au milieu d'un imbroglio diplomatique entre la France et le Maroc.
Au surlendemain du séisme, dimanche 10 septembre, les autorités marocaines ont annoncé qu'elles acceptaient l'aide de quatre pays : l'Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et les Emirats arabes unis. Plus tôt dans la journée, Emmanuel Macron avait pourtant affirmé que la France était prête à "intervenir" pour venir en aide au Maroc. Mais les avions de l'armée française, comme la plupart des ONG tricolores, sont restés cloués dans l'Hexagone, en attente du feu vert de Rabat.
Une intervention sans feu vert des autorités
Les bénévoles de l'Unité légère d'intervention et de secours (Ulis) ne se sont pas embarrassés de ces considérations politiques. "Nous, notre seul objectif, c'est d'aider à sortir des gens des décombres", explique l'ancien pompier.
"Dès que nous avons su qu'il y avait eu un séisme, nous nous sommes mis en branle, nous avons rassemblé nos bénévoles, nous avons fait nos sacs et nous avons pris l'avion avec nos chiens."
Patrick Villardry, secouriste françaisà franceinfo
Moins de vingt-quatre heures après le tremblement de terre, les équipes sont arrivées à Casablanca, avant de rejoindre Marrakech samedi 9 septembre dans la nuit.
Après de longues heures d'attente dans la capitale marocaine, les discussions avec les autorités du pays n'ont pas avancé, selon les bénévoles. Alors les secouristes français ont décidé d'aller prêter main-forte aux équipes locales dans les montagnes de l'Atlas, sans attendre le feu vert de Rabat. Avec l'aide de contacts locaux, ils ont pu venir soutenir des équipes de secours déployées à Ouirgane dès dimanche.
Dans ces conditions, les secouristes français restent discrets lors de leurs interventions. "On nous a demandé de ne pas mettre de tee-shirt avec le logo de l'association, ni de signe français. Alors, on a enlevé nos drapeaux tricolores, glisse Patrick Villardry, affublé d'un tee-shirt noir "Brooklyn". C'est dommage, mais ce n'est pas le plus important."
Une aide qui reste appréciée sur place
Sur place, les équipes françaises et marocaines travaillent main dans la main dans l'unique objectif de trouver des rescapés. "On vient avec humilité et on est très bien accueillis par les sauveteurs marocains", assure l'ancien pompier, spécialisé dans les recherches cynophiles. Malgré les jours qui passent, l'espoir reste entier. "En Turquie, nous avons retrouvé deux personnes vivantes, huit jours après le séisme", insiste le septuagénaire. Dans le village, des familles endeuillées viennent d'ailleurs les saluer et les remercier.
Car au cœur des montagnes de l'Atlas, les enjeux diplomatiques semblent loin des préoccupations des sauveteurs. "Nous, les problèmes politiques, on ne s'en occupe pas", affirme Patrick Villardry, avant de tout de même glisser :
"C'est inadmissible qu'on laisse crever des gens à cause d'ego surdimensionnés."
Patrick Villardry, secouriste françaisà franceinfo
Dans le village, un tractopelle continue de démanteler une maison dans laquelle une femme n'a toujours pas été retrouvée. Les bénévoles français font un signe vers l'ancien pompier. "Ils veulent que tu repasses avec le chien", lance un sauveteur, en tee-shirt noir et casque blanc. Patrick Villardry a juste le temps de glisser un dernier mot avant de repartir dans les décombres : "On nous a surnommés les mercenaires du secours. S'il faut se déguiser en caméléon pour sauver des gens, on le fera."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.