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Ce que l'on sait de la mort d'un vacancier franco-marocain et de son cousin, tués par des garde-côtes algériens

Deux hommes ont été abattus le 29 août pendant une sortie en jet-ski à la frontière entre le Maroc et l'Algérie. Le ministère de la Défense algérien parle de "coups de feu tirés" face à "un refus d'obtempérer".
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des proches portent le corps de Bilal Kissi, mort à la frontière maritime entre l'Algérie et le Maroc, lors de ses funérailles à Saïdia (Maroc), le 31 août 2023. (AFP)

Ils sont morts en mer, dans une zone frontalière entre le Maroc et l'Algérie. Bilal Kissi, un vacancier franco-marocain, et son cousin Abdelali Mechouar ont été tués par des garde-côtes algériens après s'être égarés en mer, mardi 29 août. L'Algérie assure que ses agents ont tiré face "à un refus d'obtempérer", mais la famille des deux vacanciers parle d'un "drame d'une cruauté sans nom". Ses avocats ont déposé plainte contre X en France, mardi 5 septembre, pour "assassinat aggravé, tentative d'assassinat aggravé, détournement de navire et non-assistance à personne en péril". Franceinfo résume ce que l'on sait de cette affaire, pour laquelle une enquête sur les "circonstances du décès", encore floues, a également été ouverte au Maroc.

Des vacanciers "égarés"

Mardi 29 août, Bilal Kissi part en fin de journée avec son cousin Abdelali Mechouar de la station balnéaire marocaine de Saïdia, à la frontière avec l'Algérie, à bord de jet-skis, selon le témoignage de son frère aîné, Mohamed Kissi, également présent lors de la sortie. Smaïl Snabé, un ami présenté comme un Franco-Marocain, complète le groupe. " Nous nous sommes égarés. Nous manquions d'essence pour les jet-skis et nous dérivions. Dans le noir, nous nous sommes retrouvés dans les eaux algériennes", raconte Mohamed Kissi au média marocain Le360. "Un Zodiac noir algérien est venu vers nous et a commencé à zigzaguer comme s'il voulait nous renverser", affirme-t-il auprès du média marocain Al Omk. Les occupants du bateau "ont tiré sur nous. Ils ont tué mon frère et mon ami. Ils ont arrêté mon autre ami", a-t-il dit.

Deux hommes tués, un autre détenu en Algérie

Bilal Kissi était un commerçant de 29 ans, père de deux enfants. Son corps a été retrouvé sur la plage, du côté marocain de la frontière. Il a été enterré jeudi en présence de dizaines de proches dans le village de Bni Drar, près d'Oujda, une ville limitrophe de l'Algérie, selon des images obtenues par l'AFP. Secouru par la Marine marocaine, son frère aîné, Mohamed Kissi, a pu regagner la plage sain et sauf. Leur cousin Abdelali Mechouar était également commerçant en France, titulaire d'un titre de séjour régulier, âgé de 40 ans et père d'un enfant de 5 ans. Sa famille réclame que son corps lui soit restitué au plus vite.

Paris a confirmé la mort d'un Français d'origine marocaine et "l'incarcération d'un autre compatriote en Algérie dans un incident impliquant plusieurs de nos ressortissants". Le quatrième autre membre du groupe, Smaïl Snabé, également franco-marocain, a en effet été arrêté par les garde-côtes algériens. Blessé, il est détenu en Algérie. "Un troisième jeune se trouve toujours en réanimation à Oujda", a affirmé, sans donner son identité ni sa nationalité, le Conseil national des droits de l'homme (CNDH), un organisme officiel constitutionnel marocain, indépendant du gouvernement. Le CNDH a aussi révélé que Smaïl Snabé "a été condamné à dix-huit mois" de prison en Algérie, sans donner les motifs.

Alger évoque un "refus d'obtempérer"

"Lors d'une patrouille de sécurisation et de contrôle au niveau de nos eaux territoriales, une unité des garde-côtes a intercepté, mardi à 19h47 [20h47 heure de Paris], trois jet-skis ayant franchi clandestinement nos eaux territoriales", relate, de son côté, le ministère de la Défense algérien, dans un communiqué publié dimanche. "Après avoir lancé un avertissement sonore et les avoir sommés de s'arrêter à plusieurs reprises, les mis en cause ont refusé d'obtempérer et ont pris la fuite en effectuant des manœuvres dangereuses", poursuit le ministère. Après plusieurs "tirs de sommation", "des coups de feu ont été tirés, contraignant un des jet-skis à s'immobiliser, alors que les deux autres ont pris la fuite", ajoute-t-il.

Le ministère explique ces tirs par "une activité accrue de bandes de narcotrafic et du crime organisé" dans cette zone frontalière et par "l'obstination des passagers des jet-skis". Il demande aussi de "ne pas prêter attention aux fausses informations qui circulent visant à nuire à l'image honorable de l'armée" algérienne.

Une plainte de la famille des deux victimes déposée en France

La famille de Bilal Kissi et Abdelali Mechouar a porté plainte en France pour "assassinat aggravé, tentative d'assassinat aggravé, détournement de navire et non-assistance à personne en danger", d'après le document consulté par franceinfo. 

"C'est la raison pour laquelle, contraints par le mutisme des autorités algériennes, sur le territoire desquelles les assassinats ont eu lieu, ils n'ont pas d'autres choix que de recourir à la justice française pour que toute la lumière soit faite sur ce drame d'une cruauté sans nom", ajoutent les deux avocats. Les familles des victimes "appellent (...) au respect de leur souffrance" et "à la plus grande vigilance quant aux récupérations extrémistes de tous bords", ont déclaré les avocats de la famille dimanche. 

Le parquet d'Oujda, dont dépend Saïdia, a ouvert une enquête pour déterminer les circonstances "d'un incident violent en mer", selon l'agence marocaine MAP. "Le parquet a été avisé. Il appartiendra à la justice de faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame", a confirmé le ministère des Affaires étrangères français.

Une affaire sur fond de tensions entre le Maroc et l'Algérie

Cette affaire risque d'exacerber les vives frictions entre le Maroc et l'Algérie, alimentées par leur antagonisme sur le dossier du territoire disputé du Sahara occidental, considéré comme un "territoire non autonome" par l'ONU en l'absence d'un règlement définitif. Le CNDH a "condamné l'usage de balles réelles par les garde-côtes algériens à l'encontre de citoyens sans défense, au lieu de porter secours à des personnes perdues en mer, ce qui est une grave violation des normes internationales", selon un communiqué publié dimanche. Rabat ne s'est pas encore exprimé officiellement.

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