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Mali : les marionnettes du fleuve Niger, une tradition populaire menacée

Le Ségou Art festival, qui a débuté le 7 février 2020, vise à préserver l’art de la marionnette des peuples riverains du fleuve Niger. Un rendez-vous culturel menacé par la violence jihadiste.

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Sortie des masques lors du "Ségou Art Festival" sur les rives du fleuve Niger au Mali. Selon la légende, les Bozo sont les descendants de Faaro, esprit de l’eau et créateur du monde, ici représentation du mythe de la sirène. Photo prise le 7 février 2020 à Ségou. (MICHELE CATTANI / AFP)

Le Festival des masques et marionnettes de Ségou, qui se déroule chaque année en février sur les rives du fleuve Niger, tente de sauvegarder la culture des peuples Bozo et Bamana. Cet art de la marionnette du Mali, classé en 2014 au Patrimoine culturel mondial de l'humanité, est aujourd’hui fortement menacé par les violences jihadistes qui frappent la région et la crise sécuritaire que connaît le Mali.

L'objectif de ce festival, créé en 1993 par le professeur Abdoul Diop, était d'entrenir le culte des ancêtres, agriculteurs chez les Bamana ou pêcheurs chez les Bozo, qui vivent dans la région de Ségou sur les rives du Niger. Ce festival devait aider les associations traditionnelles (Tòn) à maintenir le savoir-faire dans la fabrication des masques et marionnettes.

Traditionnellement durant "la sortie des masques" en public, les membres du Tòn dansent, manipulent masques et marionnettes et les accompagnent avec des tambours en chantant.

Sortie des masques lors du "Ségou Art Festival" sur les rives du fleuve Niger au Mali. La tradition culturelle des marionnettes tente de résister aux menaces jihadistes. Photo prise le 8 février 2020 à Ségou. (MICHELE CATTANI / AFP)


Les Bozo, qui furent les premiers à pratiquer des défilés de grandes marionnettes (sogow), sont reconnus de nos jours comme les détenteurs originels de cette tradition. L’explorateur français Paul Soleillet témoigne avoir observé en 1878 "un castelet (sorte de petit théâtre monté sur pirogue, dont deux marionnettes émergeaient par le haut, NDLR) couvert d’étoffe, ayant une tête d’oiseau et portant sur son dos deux marionnettes. Ce castelet était installé sur une pirogue et accompagné de batteurs de tambours." L’oiseau Kono se présente encore aujourd’hui comme la figure la plus importante du panthéon Bozo.

Mythologie des pêcheurs Bozo

Selon la légende, les Bozo sont les descendants de Faaro, esprit de l’eau et créateur du monde. La sortie des masques et marionnettes Bozo célèbre ce mythe d’origine, leur relation avec les animaux terrestres et aquatiques. D’où les multiples marionnettes illustrant le monde animal. Elles "sont un moyen d’établir le contact entre le monde invisible du surnaturel et le monde visible des humains." affirme l'anthropologue Elisabeth Den Otter.

Les griots de Ségou évoquent Faaro pour lui demander une pêche abondante. La légende raconte qu'un pêcheur Bozo fut enlevé par les génies de la brousse. Pendant sa détention, un nain de brousse, Wòkulònin, lui aurait appris l’art des marionnettes. Plus tard, quand il retourna dans son village situé sur les rives du fleuve Niger, le pêcheur alla voir les forgerons et leur enseigna la technique de leur construction.

"Ils représentent des animaux mythiques et aquatiques, et sont accompagnés de chants, rythmes de tambours et de danses. Les chansons louent les animaux, les ancêtres, les chasseurs et les jeunes hommes forts du village, mais parlent aussi de jalousie et d’inégalité." explique Elisabeth Den Otter.

Sortie des masques lors du " Ségou Art Festival" sur les rives du fleuve Niger au Mali. La tradition culturelle des marionnettes tente de résister aux menaces jihadistes. Ségou, le 8 février 2020. (MICHELE CATTANI / AFP)

Un îlot de résistance culturelle

Le Segou Art Festival est un îlot de résistance culturelle (animiste et plurielle) dans cette région en butte aux attaques jihadistes et proie de tensions communautaires meurtrières. En 16 ans d'existence, ce festival s'est toujours tenu, même si les touristes étrangers ne viennent plus guère.

Dix jours avant l'inauguration du festival, 20 militaires malien ont trouvé la mort dans une attaque menée par une centaine de jihadistes à moto à une centaine de kilomètres au nord de Ségou. Face à un péril grandissant, "des renforts sont venus de Bamako, le dispositif est suffisant pour sécuriser le festival", assure Biramou Sissoko, gouverneur de la région de Ségou.

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