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Côte d’Ivoire: une loi antiterroriste pour contrer la menace djihadiste

Les députés ivoiriens n’ont pas perdu de temps. Ils ont voté le 3 juillet 2015 une loi antiterroriste pour faire face à la menace d’un groupe djihadiste opérant au Mali voisin. La panique gagne les populations du Nord qui ont été invitées à dénoncer tout comportement d’individus suspects.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Rebelles islamistes d'Ansar Dine dans les faubourgs de Tombouctou, au Mali, le 24 avril 2012. (Photo AFP/Romaric Ollo Hien)

 
La loi approuvée à l’unanimité punit d’un emprisonnement de 10 à 20 ans le recrutement ou l’affiliation à un groupe criminel. Elle autorise les interceptions de correspondances, l’enregistrement de paroles, d’images et de dossiers électroniques sans le consentement des intéressés, ou encore les perquisitions à toute heure de la nuit et en tout lieu.
 
La panique gagne les populations du Nord
Le député ivoirien Pierre Gaho Oulatta avait tiré la sonnette d’alarme le 30 juin 2015 : «Les djihadistes sont à nos portes. C’est une menace réelle sur la Côte d’Ivoire», s'était-il inquiété, au lendemain de l’attaque de la localité malienne de Fakola, située à 20km à peine du territoire ivoirien.
 
Pierre Gaho Oulatta est un élu du Nord. Il préside la Commission de sécurité et de défense de l’Assemblée nationale ivoirienne. La majorité des ex-combattants ivoiriens sont de confession musulmane, observe-t-il. Ils constituent «une proie facile pour les recruteurs djihadistes».
 
L’attaque de Fakola, dans le sud-malien, a été revendiquée par Ismaël Khalil, un prédicateur radical malien membre d’Ansar Dine, un des groupes djihadistes du nord du Mali. «Nous allons multiplier les attaques en Côte d’Ivoire, au Mali et en Mauritanie, des pays qui travaillent avec les ennemis de l’islam», a-t-il menacé, provoquant la panique dans le département ivoirien de Khorogo, frontalier du Mali.
 

Des soldats ivoiriens entraînés par l'armée française en avril 2013 à Toumodi, en Côte d'Ivoire, avant leur départ pour le Mali. (Photo REUTERS/Luc Gnago)

Ratissage des forêts et contrôle des prêches dans les mosquées
Le préfet du département de Khorogo a aussitôt invité la population à dénoncer tout comportement d’individus suspects. Il a ordonné le ratissage des forêts et le contrôle des véhicules de transport en commun. Les prêches de personnes étrangères dans les mosquées ne sont plus autorisés.
 
La menace est sérieuse, estime le journaliste mauritanien Lamine Ould Salem sur le site du journal ivoirien Soir Info. La Côte d’Ivoire, observe-t-il, «est non seulement le pays le plus riche de la sous région, mais aussi symbolise tout ce qui, pour les djihadistes, peut justifier des actions en raison de la présence militaire française».

Une présence djihadiste en Cote d’Ivoire lui paraît évidente, «d’autant plus que les groupes djihadistes comprennent des éléments ivoiriens… ce qui rend plausible la capacité d’Ansar Dine ou d’un autre groupe d’agir en Côte d’Ivoire».
 
Le journaliste mauritanien Lamine Ould Salem est l’auteur d’un ouvrage sur Mokhtar Belmokhtar, «le Ben Laden du Sahara». C’est un bon connaisseur de la question des groupes islamistes dans la région. Pour lui, si les algériens ont réussi, à un moment donné, à affaiblir la menace djihadiste chez eux, c’est grâce au travail d’infiltration de ces groupes. Il me semble, affirme-t-il, que «les ivoiriens n’ont pas encore perçu la menace que représentent ces groupes sur leur territoire. Tout comme pendant longtemps, la menace a été sous-estimée en Mauritanie».
 
Un rebelle islamiste d'Ansar Dine. Chassé du nord du Mali, le groupe tente de s'installer au sud, à la frontière avec la Côte d'Ivoire. (Photo AFP/Romaric Ollo Hien)

Sur son site, le journal français La Croix note que la menace djihadiste est en train de s’étendre à des Etats qui jusque-là étaient épargnés. Tout le monde craint la contagion, note le journal, «une contagion qui risquerait de se traduire, pour la France, en un bourbier».

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