Malawi: traditions, croyances et pauvreté font le lit du sida
Il s’agit d’une «pratique nuisible», avait déclaré le 18 novembre 2016 la justice du Malawi. L’accusé, 45 ans, était payé entre 4 et 7 dollars par les parents des jeunes filles pour pratiquer des «purifications sexuelles».
Dans le cadre de ces rituels coutumiers du sud du Malawi, les familles recrutent un homme, une «Hyène», selon l’appellation locale, pour déflorer et avoir des relations sexuelles avec des adolescentes juste après leurs premières règles.
La cérémonie, qui dure trois jours, est censée leur permettre de devenir de bonnes épouses et de les protéger de maladies ou de malheurs.
L’homme avait été arrêté fin juillet sur demande du président malawite Peter Mutharika après une confession à la BBC sur son rôle dans cette affaire (voir la vidéo ci-dessous). Ses propos avaient déclenché un tollé dans le pays.
Bien que le procureur ait exigé une «peine sévère» contre l'accusé, estimant que sa conduite était responsable «de la propagation du virus VIH», il a écopé le 23 novembre 2016 deux ans de prison ferme. L’homme, déçu de ne pas avoir obtenu de sursis, n’a manifesté aucun remords. Il encourait jusqu’à cinq ans maximum.
Selon l’ONU, en 2012, plus de la moitié des filles étaient mariées avant l’âge de 18 ans au Malawi et un cinquième d’entre elles victime d’abus sexuels. Ce que dénonce Theresa Kachindamoto, très engagée pour les droits des femmes, qui travaille auprès de fillettes de 12 ans avec leurs bébés.
Afin de dénoncer ces traditions d’un autre âge, une Malawite a raconté à la BBC le traumatisme lié à ces rituels d’initiation. Violée à 13 ans par une «Hyène», Natasha Annie Tonthola a monté une association, Mama Africa Foundation Trust. Sa démarche: se rendre dans les villages pour éduquer et faire cesser ces pratiques. Malheureusement, «comme les filles sont pubères plus tôt, la cérémonie a lieu sur des filles de 10 ou 11 ans», dit-elle.
Le budget du pays dépend à 40% de l'aide étrangère
Fin 2015, le gouvernement avait reçu quelque 292 millions d'euros du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Une aubaine, alors même que le pays en proie au scandale de corruption appelé Cashgate avait été privé d’une partie de cette aide internationale.
En effet, depuis 2013, 150 millions de dollars d'aide internationale, soit 40% du budget du Malawi, avaient été gelés. Ce scandale avait également coûté son poste à la précédente dirigeante du pays Joyce Banda aux élections en 2014.
Le 22 octobre 2015, le nouveau président Peter Mutharika avait expliqué que 80% du don servirait à distribuer des antirétroviraux, tandis que le reste serait utilisé à combattre le paludisme, autre cause majeure de décès dans le pays, où la moitié des Malawites vit sous le seuil de pauvreté.
The President of #Malawi is dedicated to educate the #youth, promote women's active participation & eradicate #AIDS. pic.twitter.com/Yg25bqW3eR
— SADC Summit (@SADC2016) August 19, 2016
Le président du Malawi veut éduquer les jeunes et promouvoir la participation active des femmes afin d'éradiquer le sida
745.000 séropositifs devaient ainsi bénéficier d'ici 2017 de traitements gratuits, soit 70% de la population infectée par le virus du sida. Environ 568.000 personnes contre 3.000 en 2003 peuvent se soigner aujourd’hui dans ce pays fortement touché par la maladie (ITW du ministre de la Santé, Peter Kumpalume): 1,1 million de séropositifs, selon l’AFP, parmi lesquels les jeunes représentent 50% des nouvelles infections (40.0000 par an). Celles-ci ont pourtant régressé, selon l’Onusida qui souligne que le programme de soins commencé en 2004 aurait sauvé 260.000 vies.
Venir à bout des croyances pour faire évoluer les mentalités peut aussi participer à la baisse des contaminations.
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