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A Madagascar aussi, l'addiction au khat fait des ravages

On connaît la consommation souvent immodérée de cette plante euphorisante dans les pays de la corne de l'Afrique. Mais le khat est également présent à Madagascar et son usage s'étend au fil du temps.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Livraison de khat dans un marché à Awaday, en Ethiopie (2014). Originaire de ce pays, la plante a été introduite au début du XXe siècle au nord de Madagascar. (ZACHARIAS ABUBEKER / AFP)

La plante originaire d'Ethiopie a été introduite au début du XXe siècle dans la région de Diego-Suarez, au nord de Madagascar. Elle accompagnait le développement de la base militaire française, qui a vu l'arrivée d'un fort contingent d'immigrés yéménites, somalis et comoriens, répondant aux besoins importants de main d'œuvre. La consommation de khat est restée pendant des décennies l'apanage de la communauté musulmane. Sa production et sa commercialisation étaient tolérées, sa consommation limitée. Tout a changé au début des années soixante, lorsque les Français ont quitté la Grande île.

Une culture tolérée

Autour de Diego-Suarez, faute de débouchés en raison du départ des colons, les agriculteurs abandonnent les cultures maraîchères et se tournent vers le khat.
Bien qu'informelle, la filière se structure alors sur un mode bien connu : plus d'offre entraînant plus de consommateurs, ce qui incite à accroître la production. A la fin du siècle dernier, la consommation de khat est parfaitement établie et s'étend désormais à toute l'île.

Au point qu'aujourd'hui on parle de fléau. La mastication du khat est désormais une pratique courante, au vu de tous. Selon le site internet Mada-Actus, il s'en vendrait quatre tonnes chaque jour dans la région de Diego-Suarez. Selon RFI, 20% de la population de la ville du Nord (115 000 habitants) en consommeraient régulièrement. Il ne s'agit que d'une estimation, aucune étude n'ayant été réalisée sur le sujet.

De 2 000  à 10 000 ariary la botte

On trouve du khat à acheter à peu près partout, et en particulier le long des routes. A 2 000 ariary la botte (moins de 0,5 euro), "c'est moins cher qu'une grande bouteille de Coca-Cola", précise Mada-Actus. Une analyse que ne partage pas RFI, qui avance un tarif cinq fois plus élevé de la botte, ce qui en fait un gouffre pour les consommateurs assidus. Une différence de prix qui s'explique par la saisonnalité de la plante, provoquant des variations extrêmes des tarifs.

Plante euphorisante, le khat produit des effets comparables aux amphétamines, et génère ainsi une suractivité, et une sensation de bien-être qui permet sans doute de mieux supporter les affres de la vie. C'est sans doute pour cela que les autorités maintiennent le statu quo, le khat n'est pas interdit juste toléré. "Il y a quelques années, des émeutes avaient éclaté dans la ville parce qu’il y avait des rumeurs sur la criminalisation de ces plantes", rappelle le site Actualité Hussenia Writing.

Une population "accro"

Pourtant, cette addiction au khat n'est pas sans risque. Ainsi, parmi les effets connus, le khat provoque des maladies cardiovasculaires, des problèmes gastro-intestinaux, des cancers de la bouche, un poids faible à la naissance et des problèmes d’infertilité.

Mais son danger est aussi économique. Le consommateur passe des heures à mastiquer. "Tous les jours, je commence la mastication à partir de 14h et je ne m’arrête que vers 18h", confie l'un d'eux . Ultime méfait, facile à cultiver et à commercialiser, le khat permet des bénéfices conséquents. De quoi détourner les agriculteurs de cultures vivrières plus ingrates.

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