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Libye : le nouveau pouvoir hérite d’une économie totalement déstabilisée
Salué par le conseil de sécurité de l’ONU, le gouvernement d'union nationale libyen a reçu un autre soutien décisif: celui de la banque centrale et de la compagnie nationale de pétrole. Les deux institutions lui ont remis les clefs des finances du pays. De quoi lui assurer des recettes pour faire tourner l’appareil de l’Etat. Mais il hérite d’une économie totalement déstabilisée.
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Il a désormais entre ses mains les clés des coffres-forts. Le gouvernement d’union nationale peut désormais compter sur la manne financière générée par le secteur pétrolier du pays.
«Nous travaillons avec le Premier ministre Fayez al-Sarraj et le conseil présidentiel pour dépasser nos divisions. Nous avons maintenant un cadre légal international pour travailler», a indiqué le PDG de la compagnie libyenne des pétroles, Mustapha Sanalla.
L’entreprise publique, qui gère le secteur pétrolier et gazier en Libye, dépendait jusqu’à présent des autorités non reconnues qui contrôlent la capitale depuis l’été 2014.
«Désormais, les recettes d’exportation du pétrole par les principales installations de l’est du pays iront au nouveau gouvernement», a déclaré à l’AFP, un porte-parole des miliciens qui assurent la garde des installations.
Le nouveau pouvoir qui s’installe va ainsi pouvoir contrôler les avoirs et les revenus libyens à l’intérieur comme à l’étranger.
Forte dépendance à l’égard du secteur pétrolier
La Libye dispose des réserves pétrolières les plus importantes d’Afrique. Elles sont estimées à 48 milliards de barils. En 2013, le secteur pétrolier représentait 70% du PIB, 98% des recettes d’exportations et 95% des ressources de l’Etat.
Mais la production libyenne qui atteignait 1,6 million de barils par jour en 2011 a chuté d’un tiers depuis, en raison de l’anarchie qui a totalement déstabilisé l’économie libyenne.
En avril 2015, notre confrère Vincent Giret expliquait sur France Info, la mise en coupe réglée du secteur pétrolier : «Chacun des deux camps qui se disputent le pouvoir a mis la main sur une partie des puits de pétrole et a constitué sa propre structure de vente et d’exportation, l’une à Benghazi, l’autre à Tripoli.»
Les affrontements pour le contrôle du pays qui ont opposé les différentes milices ont porté un coup fatal aux infrastructures pétrolières. En janvier 2016, l’organisation Etat islamique s’en est mêlée en attaquant les deux principaux terminaux de pétrole libyen : les ports d’al-Sedra et de Ras Lanouf situés sur le golfe de Syrte. C’est là que se trouvent les plus importants gisements de Libye, au sud-est du pays.
L’effondrement des rentrées pétrolières
En 2015, la production atteignait à peine 500.000 barils par jour. Les recettes d’exportation ont littéralement fondues en raison du faible prix du baril en 2016.
«Face à la baisse des recettes, la banque centrale continue de financer ce qui reste des institutions et services publics en puisant dans les importantes réserves de change accumulées sous le régime de Kadhafi», révèle le site du groupe Coface, la compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur.
D’après les projections du FMI, les réserves libyennes s’amenuisent rapidement. Elles sont passées de 111 milliards de dollars en 2011 à moins de 40 milliards de dollars en 2016.
Le poids du système des subventions gouvernementales
Selon les spécialistes, le gouvernement d’union nationale n’aura d’autre choix que de réduire le poids de ses dépenses budgétaires en réformant notamment le système de subventions en vigueur sur la nourriture, le carburant et l’électricité. Des réformes qui ne seront pas sans conséquences sur le niveau de vie des ménages, fortement éprouvé par la crise politique et sécuritaire.
Le casse-tête des milliards du fonds souverain libyen
Pour renflouer ses caisses, la Libye compte aussi sur le recouvrement des milliards du fonds souverain libyen créé par le régime de Kadhafi pour gérer les investissements et les avoirs de l’Etat libyen à l’étranger.
Les Libyens avaient investi des sommes colossales dans plusieurs pays africains et dans des secteurs-clés comme les télécoms, l’hôtellerie, l’immobilier et l’agriculture.
Selon l’expert américain Michael Bosco, du cabinet DLA Piper, interrogé par l’hebdomadaire Jeune Afrique, ces avoirs représenteraient entre 60 et 65 milliards de dollars. Une bonne partie de cette fortune serait domiciliée en Afrique du Sud.
«C’est le premier pays d’accueil des fonds Kadhafi, devant les Etats-Unis, la Suisse, et l’Italie», confirme à Jeune Afrique Eric Vernier, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), à Paris.
Reste à savoir si le nouveau pouvoir libyen réussira à mettre la main sur ces milliards de dollars qui dorment à l’étranger.
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