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Libye : Khalifa Haftar tire à boulets rouges contre l’émissaire de l’ONU, Ghassan Salamé

L’homme fort de l’est libyen accuse Ghassan Salamé d’être devenu un "médiateur partial" œuvrant par "ses déclarations irresponsables" à la partition de la Libye.

Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le maréchal Khalifa Haftar (D) reçoit le secrétaire général de l'ONU (centre) et son émissaire pour la Libye, Ghassan Salamé (G), le 5 avril 2019, dans son bureau de la base de l'armée de Rajma, à 25 kilomètres de Benghazi. (- / LNA WAR INFORMATION DIVISION)

Dans un entretien exclusif paru le 26 mai 2019 dans le Journal du dimanche, le maréchal Khalifa Haftar, chef de l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) est sorti des habituelles déclarations consensuelles et diplomatiques.

Pas de partition de la Libye tant que "je serai vivant"

Il s’est déchaîné contre l’émissaire spécial de l’ONU pour la Libye l’accusant de multiplier "les déclarations irresponsables" et de faire le jeu des adversaires qui cherchent "la partition" du pays. "C’est peut-être ce que Ghassan Salamé souhaite aussi. Mais tant que je serai vivant cela ne se produira pas", a-t-il prévenu. "D’un médiateur honnête et impartial, il est devenu un médiateur partial", a-t-il encore déploré. Pour lui, "les Libyens resteront unis et la Libye restera un seul peuple" face à ceux qui parlent de partition et de conflit entre tribus.

Revenant sur l’offensive qu’il a lancée contre Tripoli le 4 avril 2019, il estime que c’est Fayez al-Sarraj, le Premier ministre du Gouvernement d’accord national reconnu internationalement, qui a imposé cette guerre en procédant à une mobilisation générale des milices pour l’affronter.

Affirmant que ses troupes se trouvent aux portes de la capitale et "continuent d’avancer", il explique que son objectif est d’éradiquer les groupes terroristes de Tripoli, comme il l’a auparavant fait à Benghazi, à Derna et dans le sud libyen.

Prêt à envoyer les terroristes "au paradis et ses 72 vierges"

"Il n’y a que la mort qui attend les terroristes qui chercheraient à nous affronter. Leurs corps joncheront les rues des villes et les sables du désert. Que celui qui est pressé d’atteindre le paradis et ses 72 vierges n’hésite pas à venir. On l’y enverra très vite", a-t-il ironisé.

L’homme fort de Cyrénaïque répondait ainsi aux dernières déclarations de Ghassan Salamé qui disait craindre un conflit de longue durée, après avoir constaté que "les armes affluent à nouveau de tous les côtés"  en Libye malgré l’embargo"Je ne veux pas jouer les Cassandre, mais la violence aux abords de Tripoli n’est rien d’autre que le début d’une guerre longue et sanglante sur les rives sud de la Méditerranée", a dit ce dernier le 21 mai à New York devant le Conseil de sécurité.

Le lendemain, lors d’une conférence à L’International Peace Institute de New York, le représentant spécial d’Antonio Guterrez en Libye montrait qu'il pouvait sortir de la langue de bois pour dire ses vérités. Critiquant la communauté internationale pour son manque de "motivation morale" à mettre fin à ce conflit, Ghassan Salamé tenait à rappeler la part de responsabilités des Libyens eux-mêmes, malgré les interférences extérieures, en faisant un parallèle avec son pays d’origine.

"La vérité est que la Libye peut financer son propre suicide. J’ai toujours considéré mes compatriotes au Liban, comme assez stupides pour se suicider avec l’argent des autres. Les Libyens sont encore pires. Ils se suicident avec leur propre argent. Vous n’avez pas besoin de carburant externe pour cette guerre. Ce pays produit 1,2 million de barils de pétrole par jour. C’est beaucoup d’argent. Le pays est très riche. Le conflit ne dépend pas de transferts financiers de l’extérieur", avait-il déclaré.

L'amertume de Ghassan Salamé

Ghassan Salamé exprimait ainsi son amertume après la diffusion le 18 mai sur les chaînes de télévisions libyennes d’images montrant le débarquement de dizaines de véhicules blindés de fabrication turque à Tripoli, au mépris de l’embargo imposé par l’ONU.

Estimant que "ces violations flagrantes et télévisées" de l’embargo mettaient en péril la crédibilité de l’ensemble des Nations Unies, le diplomate onusien avait pourtant épargné Khalifa Haftar qui l'a déclaré  "persona non grata" en Cyrénaïque en janvier 2019 .

"Si vous cherchez une formule de paix, vous ne pouvez pas ignorer quelqu’un qui n’est pas en contrôle, mais qui exerce la plus grande influence sur 75% du territoire et 70 à 75% des champs de pétrole. Vous ne pouvez pas dire 'il n’existe pas, je ne veux pas traiter avec lui'", avait conclu l'émissaire onusien, évitant habilement de couper tous les ponts.

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