Le Maroc célèbre la première décennie de règne de Mohammed VI
Le Maroc célèbre aujourd'hui les 10 ans d'accession au trône de Mohammed VI. Après les "années de plomb" et de stagnation du long règne d'Hassan II, le souverain chérifien veut rattraper le temps perdu, au risque de brusquer une société marocaine encore très conservatrice. Libéralisme économique et autocratisme, réformes dans le domaine des mœurs et respect des traditions, Mohammed VI entend tout concilier. Résultat, depuis 10 ans, incontestablement le Maroc bouge, même s’il il reste encore des points noirs.
BOOM ÉCONOMIQUE
Avec une croissance annuelle du PIB de 5%, des investissements massifs et une ouverture aux capitaux étrangers, Mohammed VI n'hésite pas à bousculer les conservatismes. Résultat, 2 millions de Marocains sortis de la misère depuis 1999 et un développement économique qui devrait se poursuivre. En 2008, le pays a notamment obtenu de l'Union européenne un "statut avancé" qui lui permettra à terme d'accéder librement au marché européen, et se dote d'infrastructures (routières, ferroviaires, portuaires) sans commune mesure au Maghreb.
MOUDAWANA, UN NOUVEAU CODE DE LA FAMILLE POUR PLUS DE DROITS AUX FEMMES
Parmi les réformes les plus significatives de l’ère Mohammed VI, on retiendra notamment une date, celle du 10 octobre 2003, avec l’annonce de la réforme historique du code de la famille, la Moudawana, qui donne aux femmes presque les mêmes droits qu'aux hommes. Un grand pas pour le pays, estime Charles Saint-Prot, directeur de l’Observatoire des études politiques et co-auteur du Maroc en marche, publié récemment aux éditions CNRS. "Le développement du pays passe aussi par cette émancipation de la femme. Désormais, le Maroc va marcher sur deux pieds, c'est-à-dire les hommes et les femmes du même pas", commente le politologue au micro d’Hervé Toutain. Sur le plan religieux, Mohammed VI, commandeur des croyants (Amir Al-Mouminine), a aussi initié une ambitieuse reconquête du champ religieux destinée à empêcher les dérives d'imams intégristes.
UN AUTOCRATISME TOUJOURS PESANT
Un Maroc des grands chantiers et de la modernité donc, dirigé par un souverain chérifien pressé, moderne, et qui prône une politique d'ouverture, même si lui-même reste attaché à l'autocratisme. Un paradoxe que souligne Ali Amar, journaliste marocain et auteur de Mohammed VI, le grand malentendu (ed. Calmann-Lévy). Certes les victimes des "années de plomb" ont été indemnisées à l'issue d'un travail courageux - à défaut d'être complet, puisque les tortionnaires n'ont pas été inquiétés- de l'Instance équité et réconciliation (IER), mais pour autant, Mohammed VI "n’a pas marqué de véritable rupture avec son père Hassan II", estime le journaliste, dénonçant notamment "la torture" ou encore "la répression contre les médias" qui persistent, et surtout un pouvoir "toujours concentré entre les mains du monarque". "Nous ne sommes pas encore en démocratie", explique-t-il au micro de France info.
UNE SOCIÉTÉ A DEUX VITESSES
Sur le plan des libertés, le bilan est donc contrasté dans un Maroc qui souffre encore de retards notamment dans les domaines de l'éducation, la santé, les droits de l'Homme et la justice. En dépit des efforts des autorités, la corruption est encore très présente et plus de 40% de la population encore analphabète. Les inégalités sociales sont donc loin d’avoir disparu dans une société qui semble fonctionner à deux vitesses.
Cécile Mimaut, avec agences
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