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Les habits coloniaux de la justice en Afrique de l'Est

Le journal britannique The Independent vient de publier un article sur les héritages coloniaux des pays d’Afrique, issus de l’ancien empire britannique. Le journal s’intéresse aux signes de la justice. Robes rouges et perruques blondes pour les juges, qualifiées par le journal de «reliques». Or justement, de plus en plus de voix se font entendre dans ces pays pour dénoncer cet héritage.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Robert Mugabe prête serment le 22 août 2013 à Harare pour son nouveau mandat de président. (Alexander Joe/AFP)

Kenya, Zimbabwe, Ghana, Malawi. Partout, on retrouve la persistance des signes de la justice britannique: robes rouges et perruques blondes. Alors même qu'au Royaume-Uni, les avocats ont décidé de ne plus porter ces perruques, jugées démodées et inconfortables.

Curieux héritage assumé par les pouvoirs locaux, alors même que ces pays d’Afrique se montrent chatouilleux quant à leur indépendance. Ainsi, le président tanzanien, John Magfuli, dénonçait il y a peu un accord commercial avec l’Europe, comme une «forme de colonialisme». Quant à Robert Mugabe, le maitre du Zimbabwe, il traite toujours les Britanniques de «voleurs colonialistes». Mais visiblement, la perruque portée par le président de la Cour constitutionnelle lors de son investiture en 2013 ne le gêne pas.

Ainsi, les marques du colonisateur demeurent dans la justice. Pour Isaac Okero, président de la Law Society of Kenya, cela représente bien plus qu’une tradition britannique. «Je ne pense pas du tout qu’il y ait une connotation négative de colonialisme. On est au-dessus de ça. C’est la tradition du barreau au Kenya».
La Cour suprême invalide l’élection d’Uhuru Kenyatta. (SIMON MAINA / AFP)

Mais les adversaires de ces «reliques» s’insurgent contre le poids historique qu’elles portent en elles. «La justice coloniale britannique» qui a précédé l’indépendance s’est montrée parfois brutale. Par exemple lors de la répression de la rébellion des Mau dans les années 1950. Les juges condamnèrent à mort plus de 1000 personnes pour conspiration contre le pouvoir.

Un des adversaires de ces «reliques», Arnold Tsunga, directeur du programme Afrique à la Commission internationale des juristes, rappelle que le pouvoir colonial «a utilisé la Justice comme un instrument de répression». «On voit ainsi des Etats africains» poursuit-il, «conserver ces symboles de la puissance et de l’autorité avec la conviction que cela  renforcera leur propre pouvoir».

Le poids de l’héritage
Mais le poids de l’héritage ne se limite pas à la justice, et n’est pas toujours remis en cause. Passons sur la conduite routière à  gauche au Kenya ou en Afrique du Sud. Là encore, c’est un fruit du colonisateur, partagé également par l’Australie, l’Inde, la Nouvelle-Zélande. Toutes d’anciennes colonies britanniques. Evidemment, il n’est pas question aujourd’hui de changer le sens de circulation, et cet héritage ne pose pas problème.

  (DR)

L’uniforme à l’école est aussi un de ces héritages qui marquent une société. De l’occupation britannique, les pays comme le Kenya et l’Afrique du Sud ont aussi hérité d’une éducation très élitiste. L’école coûte cher, et n’est souvent de qualité que dans le secteur privé. L’uniforme, très souvent obligatoire, augmente les frais scolaires. De plus, au Kenya, les élèves vivent très souvent en internat, ce qui est bien sûr plus coûteux.
 
Enfin, le sport du colonisateur n’est ni le football, ni le rugby. Il s’agit du jeu le plus «british» qui soit, le cricket. Inde et Pakistan brillent dans ce sport, mais il est joué également dans toute l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe. Là encore, nul ne regrette cet héritage.

Des élèves s'entrainent au cricket dans une école. (DR)

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