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Kenya: direction Chine

Inculpé de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale, le président kenyan Uhuru Kenyatta est snobé par les pays occidentaux. Résultat : il se tourne vers la Chine.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le président kenyan Uhuru Kenyatta et son homologue chinois, Xi Jinping, à Pékin le 19 août 2013. (AFP - Pool How Hwee Young)

Pékin a accordé à son pays cinq milliards de dollars pour construire d'importantes infrastructures.
              
«L'importance de la Chine pour l'Afrique ne doit pas être sous-évaluée, (ce pays) est notre plus gros partenaire pour le développement», a tweeté Kenyatta le 19 août 2013, au premier jour de son voyage à Pékin, sa première visite d'Etat depuis son élection en mars.

Les accords portent sur des projets dans le domaine de l'énergie et sur la construction d'une nouvelle ligne ferroviaire traversant le Kenya d'est en ouest, de la côte de l'océan Indien à la frontière ougandaise.

La Chine est depuis longtemps un partenaire de premier plan pour de nombreux pays africains, dont le Kenya. Selon l'agence de presse Chine Nouvelle, Pékin est le deuxième partenaire commercial de ce pays, avec des échanges se montant à près de 3 milliards de dollars par an.

Avant l'élection présidentielle, les Etats-Unis avaient averti les Kenyans que «les choix ont des conséquences», une mise en garde contre le vote en faveur de Kenyatta, poursuivi par la justice internationale. La Cour pénale internationale (CPI). Celle-ci doit ouvrir le 12 novembre le procès du dirigeant pour son rôle présumé dans l'organisation des graves violences qui avaient suivi le précédent scrutin présidentiel fin 2007.

Uhuru Kenyatta (fils de Jomo Kenyatta, premier président du pays après son indépendance en 1963) ainsi que le vice-président William Ruto vont faire face à un long procès devant la CPI pour leurs rôles présumés dans les violences de 2007. Lesquelles s’étaient soldées par plus de 1000 morts et 600.000 déplacés.

Violences au Kenya

Channel 4 News (en anglais), 29-1-2008

Un effet boomerang pour les Occidentaux ?
Le président Barack Obama, dont le père est kenyan et qui a effectué en juillet 2013 une visite en Afrique, avait délibérément ignoré le Kenya au profit de la Tanzanie voisine. L'accueil en grande pompe offert à Kenyatta en Chine a aussi vivement contrasté avec celui qui lui avait été réservé en mai à Londres, où il participait à une conférence sur la Somalie.

A Pékin, place Tiananmen, un régiment de la garde a été déployé en son honneur et une salve de 21 coups de canon a été tirée. Puis le président kényan a visité la Grande muraille avec sa femme et son homologue chinois Xi Jinping, postant des photos de la scène sur Twitter. En Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale et principal partenaire commercial, Kenyatta avait reçu un accueil poli. Mais il n'avait jamais eu l'occasion de poser pour des photos de presse avec le Premier ministre David Cameron.

Comme d'autres pays européens, la Grande-Bretagne a annoncé qu'elle limiterait les contacts au minimum avec Kenyatta.
 
Pour l'analyste financier kenyan Aly-Khan Satchu, les Occidentaux pourraient subir l'effet boomerang de leur attitude. «Les choix (des Etats occidentaux, NDLR) ont des conséquences sur les relations que le Kenya cherche à avoir. La Chine (en) est le dernier exemple», a-t-il déclaré à la BBC.
              
Uhuru Kenyatta, qui s'est rendu en Russie avant la Chine avant de passer par Dubaï, s'est engagé à renforcer «le partenariat économique et politique» avec Pékin.

Contrairement aux pays occidentaux, la Chine s'en tient à sa politique de non-ingérence dans les affaires intérieures des pays africains. Elle s'abstient ainsi de discours sur les droits de l'homme et la corruption, ce que les dirigeants africains apprécient.

«Les visites en Russie et en Chine sont importantes pour le Kenya dans le contexte de notre politique de ‘‘regarder vers l'est’’», a expliqué le porte-parole de la présidence kenyane. En clair, il s’agit de «se concentrer sur l'ouverture de nouveaux marchés ou approfondir les relations existantes dans la zone de l'océan Indien, avec d'autres pays comme l'Australie et Singapour, mais aussi les pouvoirs émergents des BRICS»  (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), a poursuivi le porte-parole.

Elephants dans le parc national d'Amboseli au Kenya (9-12-2012) (AFP - Biosphoto - Michel et Christine Denis-Huot)
Et la «protection de la faune» dans tout ça ?
En Russie, le président kenyan a incité les hommes d'affaires de la chambre de commerce et d'industrie de Moscou à «profiter de (la) position stratégique (du Kenya), porte d'entrée (en) Afrique de l'Est».
 
Un différend entre le Kenya et la Chine pourrait toutefois émerger : le commerce de l'ivoire. Parmi les accords signés entre les deux pays, l'un porte sur la «protection de la faune». Or il se trouve que l'épouse de Uhuru Kenyatta, Margaret, est le fer de lance d'une campagne contre le braconnage pour sauver les éléphants et les rhinocéros. La demande d'ivoire et de cornes de rhinocéros (pour leurs effets thérapeutiques et aphrodisiaques supposées) provient principalement de Chine, selon les défenseurs de l'environnement. Ceux-ci accusent souvent les autorités chinoises de ne pas lutter suffisamment contre le commerce illégal.

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