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En Tanzanie, le défenseur des animaux Wayne Lotter assassiné

Dans la soirée du mercredi 16 août 2017, Wayne Lotter, militant pour la défense de la faune sauvage africaine, a été assassiné à Dar es-Salaam en Tanzanie. Le sud-africain était à la tête d’une des fondations les plus reconnues dans la lutte contre un trafic d’animaux. Des trafics très lucratifs pour les braconniers.
Article rédigé par Gerard Maider
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Wayne Lotter, sud-africain de 51 ans, a été assassiné le 16 août 2017 au soir à Dar es-Salaam en Tanzanie. Il était connu pour son action contre le braconnage d'animaux sauvages en Afrique et particulièrement en Tanzanie. (PAMS Foundation)

Peu avant minuit, mercredi 16 août 2017, Wayne Lotter, fameux défenseur de la faune sauvage africaine, prend un taxi après s’être posé à l’aéroport de Dar es-Salaam, la capitale économique de la Tanzanie. Sur la route de son hôtel, un véhicule force l’arrêt à son taxi au cœur du quartier chic de Masaki. Un homme sort de la voiture, ouvre sa portière et le tue de deux balles avant de s’enfuir. Menacé de mort à plusieurs reprises, ce Sud-africain de 51 ans avait consacré sa vie à la lutte contre le braconnage sur le continent.

Des cornes qui valent plus que de l’or
En Tanzanie, le braconnage est un marché juteux. C’est l'un des pays qui compte la plus importante population d'éléphants sur le continent africain et, en conséquence, c’est aussi l'un des plus touché par ce fléau. En 2015, un recensement fait par l'Etat Tanzanien estimait que la population de pachydermes avait diminué de 60% entre 2009 et 2014.

Sur le marché noir, les cornes de rhinocéros se vendent plus cher que la cocaïne ou l'or : entre 50.000 et 70.000 euros le kilo. Soit entre 25.000 et 200.000 euros la corne, selon sa taille, indique WWF. Ces cornes se retrouvent surtout sur le marché asiatique où elles sont très prisées réduites en poudre. Selon des croyances locales la poudre de corne de rhinocéros permettrait de faire reculer le cancer, baisser la fièvre et aurait des effets aphrodisiaques.


Wayn Lotter avait été sensibilisé au problème du trafic d’espèces sauvages au début de sa carrière alors qu’il était ranger en Afrique du Sud, notamment au parc national Kruger. Il avait alors décidé de s’engager dans la lutte contre le braconnage d’éléphants et de rhinocéroces. En 2006, il part pour la Tanzanie et trois ans plus tard, cofonde une association de protection de la nature, la Protected area management solutions (PAMS) fondation, institution dans la lutte contre le trafic d’espèces protégées et qui finance également le démantèlement des filières de braconnage.

Plus de 2 000 braconniers arrêtés
Rien qu’entre 2012 et 2017, plus de 2 000 braconniers ont été arrêtés grâce au travail de la fondation PAMS et des autorités tanzaniennes. Parmi leurs prises de guerre, on compte la Chinoise Yang Fenlan, surnommée la «reine de l'ivoire», actuellement jugée pour le trafic illégal de 706 défenses d'éléphants entre 2000 et 2014. Mais aussi Matthew Maliango Boniface, surnommé «le Diable», le plus célèbre trafiquant d'ivoire tanzanien, condamné à 12 ans de prison en mars 2017.

Grâce à ce travail, la fondation a constaté une «réduction considérable» du braconnage depuis 2014. Dans une interview citée par le Guardian, Wayne Lotter jugeait que ce travail acharné avait permis de réduire de moitié le trafic d’éléphants en Tanzanie. 

«La fondation [PAMS] est largement considérée comme l’un des modèles les plus réussis en Afrique aujourd’hui», abonde l’Agence d’investigation environnementale dans un communiqué. L’organisation revendique aujourd’hui le bilan suivant : 32 000 éléphants et 7 000 girafes sous protections, 1 153 armes à feu confisquées et 1 120 enfants éduqués.

Des risques grandissants
Face à de tels résultats et à la manne financière en jeu, les risques pour les défenseurs des animaux augmentent. Wayne Lotter en était conscient. Dans une interview accordée au journal américain The New York Times en 2016, il évoquait les dangers de son métier de ranger : «Plus on traque les braconniers, plus les situations de confrontation entre gardes et braconniers surviennent. Il y a forcément des risques

Déjà en juin 2016, Roger Gower, pilote britannique de 37 ans, avait été tué aux commandes de son hélicoptère. Il avait été visé par des tirs de braconniers en plein vol de surveillance au-dessus de la réserve animalière de Maswa, attenante au célèbre parc national du Serengeti, dans le nord de la Tanzanie. Depuis plusieurs années, Gower travaillait à l’arrestation des braconniers au sein d’une mission lancée par le Friedkin Conservation Fund et le gouvernement tanzanien.

La police, a ouvert une enquête sur l’assassinat de Wayne Lotter mais ne peut à ce stade établir fermement de lien entre ce crime et le braconnage. La célèbre primatologue Jane Goodall a réagi à l'annonce de sa mort en qualifiant le défunt de «héros». Elle ajoute : «Si ce lâche attentat était une tentative de mettre fin au travail de la fondation PAMS, ce sera un échec.» Un travail essentiel pour la survie de certaines espèces comme les éléphants. Dans un recensement de 2016, le Great Elephant Census, révèle que le nombre de pachydermes vivant dans les savanes d’Afrique a chuté de 30% entre 2007 et 2014.

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