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En Tunisie, le couvre feu est levé mais la tension reste vive

A la suite de l'amélioration de la situation sécuritaire, le couvre feu a été levé dans les huit gouvernorats concernés, mais artistes d'un côté et salafistes de l'autre, ne décolèrent pas, malgré les appels au calme. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Temps de lecture : 4min
Des islamistes tunisiens se frayent un passage parmi les policiers après la prière du vendredi, le 15 juin 2012, à Tunis.  (FETHI BELAID / AFP)

Décrété mardi dans huit régions, le couvre-feu nocturne a été levé en Tunisie, vendredi 15 juin. Après une semaine de tensions provoquées par la tenue d'une exposition dans la capitale tunisienne, jugée "contraire à l'Islam" par certains groupes salafistes, le ministère de l'Intérieur a annoncé cette décision "suite à l'amélioration de la situation sécuritaire". L'accalmie sera-t-elle durable ? 

• La levée du couvre feu

Le couvre-feu nocturne était en vigueur dans huit gouvernorats : le Grand Tunis, qui en compte quatre, Sousse (est), Jendouba (nord-ouest), Monastir (est) et la délégation de Ben Gardane dans le gouvernorat de Medenine (sud). Les ministères de la Défense et de l'Intérieur ont conjointement appelé "les citoyens à se conformer aux ordres des patrouilles chargées des fouilles des véhicules et d'éviter tout rassemblement et mouvement à même de troubler l'ordre public, et cela pour préserver la sécurité du pays et des citoyens".

Les violences avaient débuté quelques heures après le saccage d'une exposition à La Marsa, dans une banlieue nord aisée de Tunis, dont plusieurs oeuvres sont jugées offensantes pour l'islam. Imposé mardi de 21h00 à 05h00, puis allégé mercredi de 22h00 à 04h00, le couvre feu avait été instauré à la suite d'émeutes survenues dans plusieurs villes du pays. Lundi et mardi, des groupes mêlant membres de la mouvance salafiste et casseurs ont attaqués des postes de police, des sièges syndicaux et de partis politiques, ainsi qu'un tribunal, faisant un mort et une centaine de blessés.

• Un imam appelle "au meutre" des artistes ... 

Le ministère tunisien des Affaires religieuses a par ailleurs annoncé vendredi qu'un imam de la mosquée Zitouna, la plus ancienne et la plus vaste de Tunis, a été interdit de prêcher après avoir lancé un appel au meurtre des artistes "blasphémateurs" lors de la grande prière.

L'imam Houcine Laâbidi "a appelé au meurtre, c'est irresponsable", a justifié Ali Lafi, le conseiller politique du ministre des Affaires religieuses. "Il est sorti de son rôle et a dit beaucoup de choses contradictoires avec le sentiment des Tunisiens. La loi doit être appliquée", a-t-il poursuivi. 

Selon le site internet tunisien Business news, l'imam Laâbidi a affirmé que les artistes "mécréants" devraient "être tués, et leur sang versé".

• ... d'autres appellent au calme

Dans plusieurs mosquées de la capitale, où un important dispositif policier a été déployé, les imams on lancé des appels au calme et à l'unité à l'occasion de la grande prière du vendredi. 

Cependant, selon Ali Lafi, quelques 120 mosquées sur 5 000 lieux de culte dans le pays échappent au contrôle du ministère des Affaires religieuses. Fin mars, le ministère estimait à 400 le nombre de mosquées tombées sous la coupe de radicaux.

• Les artistes en colère 

Réunis à l'appel du syndicat des Arts plastiques, des artistes tunisiens ont dénoncé vendredi à Tunis une "vaste manipulation" tendant à les rendre responsables des récentes violences et annoncé leur intention de porter plainte contre le ministre de la Culture. "Par ses propos, [le ministère] a mis en danger les artistes, qui sont en réalité les vraies victimes des violences, ont-il fait valoir. Des oeuvres ont été détruites et des vies sont menacées", a déclaré Amor Ghdamsi, secrétaire général du syndicat des Arts plastiques lors d'une conférence de presse.

Dimanche soir, l'exposition "Le Printemps des Arts", qui s'était ouverte le 2 juin et venait de s'achever au palais Abdellia de la Mars avait été vandalisée et plusieurs oeuvres lacérées ou brûlées. Le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk, avait alors mis en cause des "provocations artistiques" et annoncé son intention de porter plainte contre les organisateurs de l'exposition.

Plusieurs artistes ont appelé le ministre de la Culture à la démission, dénonçant sa position comme "indigne", "inacceptable" et "honteuse".

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