Un an après les débuts de la révolution, l'Egypte cherche sa voie
L’armée lâche du lest. Elle a transféré les pouvoirs législatifs qu’elle détenait à la nouvelle chambre basse du Parlement. Elle a également annoncée la levée partielle de l’état d’urgence en Egypte -une disposition appliquée depuis l’assassinat d’Anouar El Sadate en 1981. Elle appliquera à nouveau la mesure en cas de lutte contre la «violence». Si Washington parle d’une «étape importante», les démocrates s’inquiètent.
Parlement: première réunion
Au Parlement, le parti des Frères musulmans, le Parti de la liberté et la justice (PLJ) a obtenu 335 Sièges sur 498 (47%) en lice et les fondamentalistes salafistes enlèvent 121 sièges (24%). Cette majorité a demandé lors de la séance inaugurale qu'une enquête soit menée sur les quelques 800 personnes tuées pendant le soulèvement populaire. Mais les jeunes qui se sont mobilisé pour se débarrasser du régime d'Hosni Moubarak ne se satisfont pas de ces balbutiements de démocratie.
Ils étaient des dizaines de milliers, le 25 janvier 2012, place Tahrir, réclamant le départ immédiat du Conseil suprême des forces armées (CSFA), dirigé par le maréchal Tantaoui, aux cris de «la révolution jusqu'à la victoire».
Le CSFA ne s'est pour l'heure prononcé que pour la suite de la transition: élection d’une deuxième chambre parlementaire, la Choura (Sénat consultatif) le 29 janvier, puis le Parlement au complet nommera une commission qui devra rédiger une nouvelle Constitution. Et, en juin, en point de mire, l'élection présidentielle.
Yoursy Nasrallah: "une révolution confisquée"
Le cinéaste Yousry Nasrallah, qui a filmé le soulèvement populaire contre Hosni Moubarak, et termine le long métrage « Après la bataille », porte un diagnostic sans appel sur l’état actuel du mouvement. «Tout le monde le sent, on confisque la révolution». «L’armée est prête à tout pour garder la place». Pour le cinéaste, la mort de 25 personnes dans la capitale dont une majorité de chrétiens, le 9 octobre 2011, lors d’une marche pacifique à laquelle participait des milliers de personnes, s’inscrit dans ce tableau. «L’armée a clairement pris position contre la révolution». Seule nouveauté palpable, la possibilité de pouvoir s'exprimer librement en public.
Démocratie: des avancées minimales
Une année, presque pour rien
(UnescoFrench 24 janvier 2012)
En cette période où le visage moderniste de la société égyptienne peine à se dessiner , une enquête d’Amnesty international réfrène tout optimisme démesuré : «La plupart des principaux partis politiques égyptiens sont favorables» à la lutte contre la torture, la liberté d’expression et l’application des droits sociaux, mais les positions en faveur de l’abolition de la peine de mort et les droits des femmes ne rencontrent l’assentiment que de deux petites formations, le parti social-démocrate égyptien et l’alliance populaire socialiste. Le PLJ doit progresser dans ces domaines essentiels pour répondre aux attentes d'une majorité la population.
Les militaires à la tête d'un empire économique
Le blocage démocratique, la gestion erratique et la répression systématique des mouvements de libre expression viennent de l'ambiguïté de l'institution militaire. Garante des libertés, selon ses affirmations, elle porte en son sein une contradiction majeure: elle est un acteur économique de premier plan et ne veut pas abandonner ses prérogatives et ses sources de financement.
Nasser avait mis en place une industrie militaire chargée de produire des armes, des munitions, des blindés, et de les exporter. Au fil des années, les généraux ont investi d'autres secteurs de l'économie: le tourisme, les infrastructures, le bâtiment, la production d'appareils électroniques, les machines à laver, l'élevage de poulets.... Selon un diplomate américain le chiffre d'affaires global d'Egyptian Army atteindrait les 5 milliards de dollars. L'emploi ainsi généré représenterait 20% de la main d'oeuvre égyptienne, selon Slatafrique.
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