Mohamed Helmy, cet Egyptien devenu «Juste» pour avoir sauvé une famille juive
Le mémorial de la Shoah à Jérusalem (Yad Vashem) a remis à titre posthume la médaille et le certificat de «Juste parmi les nations» à Mohamed Helmy, ce médecin égyptien, installé à Berlin en 1922, et qui avait caché dans la capitale allemande, de 1942 à 1945, quatre juifs d'une même famille.
Né en 1901 à Khartoum, Mohamed Hemly part en 1922 en Allemagne pour suivre des études de médecine. Il s'installe à Berlin. Devenu médecin, il est engagé par l'Institut national Robert Koch. Avec l'arrivée au pouvoir d'Hitler, sa carrière qui l’avait emmené à la tête du département d’urologie, est remise en cause. Très vite, les médecins juifs sont chassés de l'établissement par les nazis. Quatre ans plus tard, en 1937, c'est au tour de Helmy d'être renvoyé. Selon les lois raciales du Reich, en tant qu’Egyptien, il lui est interdit de travailler dans le système de santé publique. Il ne peut pas non plus épouser celle à qui il est fiancé, Emmy, une jeune Allemande.
Il va alors exercer la médecine en privé, de manière plus ou moins cachée.
Mohamed Helmy, mort en 1982, est salué pour avoir utilisé tous les moyens possibles pour cacher une jeune femme juive, Anna Boros, âgée de seize ans à l’époque. Anna a survécu à l’Holocauste et s’est installée aux États-Unis avec ses proches. Elle est décédée en 1962.
Lettre d'Anna Boros
Dans l'une des lettres qu'elle adressera dans les années 1950 aux autorités allemandes pour rendre compte du courage de son sauveur, Anna Boros, écrit : «La Gestapo savait que le Dr Helmy était notre médecin de famille et qu'il possédait une cabane à Berlin-Buch. Mais il s'est toujours arrangé pour éluder leurs questions. Lorsque cela arrivait, il m'emmenait chez des amis pour quelques jours. Il me faisait alors passer pour sa cousine de Dresde. Une fois le danger passé, je réintégrais ma cabane… Le Dr Helmy a agi ainsi par pure générosité, celle venue du plus profond du cœur. Je lui en serai éternellement reconnaissante… »
Dans sa cachette, Anna vit sous un faux nom musulman. Car Helmy a réussi à lui arranger un mariage blanc avec un musulman. Quant à la grand-mère d'Anna, Cécilie Rudnik, il la cache chez une Allemande, Frieda Szturmann, elle aussi reconnue comme «Juste parmi les nations».
Près de 27.000 personnes (non-juifs), de 44 pays et nationalités, ont été reconnus par Israël comme «Justes». Parmi eux, un seul Arabe, mais 70
musulmans, pour la plupart originaires d'Albanie, et des Balkans. L’Albanie, un pays à majorité musulmane, a sauvé une grande partie de sa population juive. La plupart des 2 000 juifs albanais ont été cachés par la population..
Le rôle de Kaddour Benghabrit
En France, plusieurs Algériens ont aidé des juifs durant l’Occupation. Pour autant, le certificat de «Juste» ne peut être délivré qu’à la demande des personnes sauvées ou de leur famille, et surtout après collecte de documents et témoignages suffisamment probants, ce qui n’est pas toujours possible.
Selon plusieurs témoignages, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Kaddour Benghabrit, aurait permis à une centaine de personnes juives de se faire passer pour musulmans. Il faut dire que la plupart de ces juifs sépharades parlaient arabe et étaient circoncis.
Cet habile diplomate a pu user de son influence dans des cas ponctuels. Dans son livre «L’Etoile Jaune et le Croissant», Mohammed Aïssaoui a relevé les noms d’au moins deux personnes sauvées par Kaddour Benghabrit : le père adoptif de Philippe Bouvard, juif comme l'était sa mère ; et une juive d'origine marocaine travaillant à l'hôpital franco-musulman de Bobigny.
A la Mosquée de Paris, des anonymes ont aidé à faire passer pour musulmans des juifs de leurs relations sans que le recteur ait cherché à l'empêcher. Il y a eu également un réseau de résistance autour de l'hôpital franco-musulman de Bobigny avec mise en place de filières d'évacuation.
D'autres noms apparaissent au fil de l'enquête de Mohammed Aïssaoui. Mais son auteur n'a pas été en mesure de recueillir des témoignages ou de documenter suffisamment ses recherches. C’est le cas du chanteur Salim (Simon) Halali, juif d'origine algérienne, vedette de la chanson arabo-andalouse qui fut protégée par la Grande Mosquée de Paris en se faisant passer pour musulman. Mais sa jeune sœur et son bébé furent déportés et gazés à Auschwitz en 1943.
Groupe résistant kabyle
Le réalisateur français d’origine algérienne Derri Berkani, auteur d’un documentaire intitulé Une résistance oubliée, a retrouvé un tract diffusé après le début des rafles en langue kabyle et intitulé «Comme nos enfants». «Hier, à l’aube, les juifs de Paris ont été arrêtés, les vieillards, les femmes comme les enfants, en exil comme nous, ouvriers comme nous, ce sont nos frères et leurs enfants sont nos enfants. Si quelqu’un d’entre vous rencontre un de ces enfants, il doit lui donner asile et protection, le temps que le malheur passe. Enfant de Kabylie, ton cœur est grand ! »
Mais ces cas d’humanité et de bravoure sont relativement marginaux. A l'inverse, il y a eu aussi une légion nord-africaine à Paris, rue Lauriston, au siège de la «Gestapo française», qui s'est distinguée par sa cruauté. Elle a constitué une force supplétive au service de l’armée allemande, composée de musulmans recrutés au sein de la communauté nord-africaine en France.
Mais pour Mohamed Aïssaoui, les musulmans qui vivaient en France, essentiellement des Kabyles d'origine algérienne, se sont comportés comme la majorité des Français de l'époque. Il y eut ainsi deux minorités, l’une s'engageant dans la Résistance, l’autre dans la Collaboration. Tandis que les autres, la majorité, cherchaient à survivre dans une période difficile. Ce qui souligne d’autant le courage et l’humanité du docteur Mohamed Helmy.
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