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La difficile vie des Egyptiens travaillant dans le secteur touristique

Le nombre de visiteurs étrangers en Egypte a chuté radicalement depuis le mouvement révolutionnaire qui a chassé du pouvoir l’ancien président Hosni Moubarak en janvier 2011. Une évolution qui frappe durement la population : 4 millions des quelque 85 millions d’Egyptiens travailleraient d’une manière ou d’une autre pour l’activité touristique.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Groupe touristique dans les ruines de Karnak le 28 octobre 2011. (AFP - Bilderberg - Hans-Joachim Ellerbrock)

Il y a quelques années, Noël était une période faste, mais aujourd'hui, son cheval qui baladait les touristes à Louxor, un des plus importants célèbres touristiques d’Egypte (avec son célébrissime temple et, à proximité, les vallées des Rois et des Reines), tourne en rond: Salah, qui gagnait confortablement sa vie grâce aux trésors des pharaons en Haute-Egypte, se demande désormais comment nourrir ses enfants.
 
Pour cet homme de 51 ans, vêtu d'une djellaba noire (longue robe traditionnelle), comme pour tous les autres, les touristes ont disparu le 25 janvier 2011, quand le vent du Printemps arabe a soufflé sur l'Egypte, emportant dans son tumulte le président Hosni Moubarak. «Avant, je gagnais entre 2000 et 3000 livres (200 à 300 euros) par mois. Aujourd'hui, quand j'ai 10 livres en poche, je suis content», affirme ce conducteur de calèche, père de quatre garçons.
 
Dans la ville de 500.000 habitants en bord de Nil, toutes les familles dépendent totalement ou en grande partie du tourisme. Jusqu'à il y a peu, ce secteur représentait plus de 11% du PIB et employait plus de quatre millions d'Egyptiens.

Mais les jours fastes où 10.000 personnes visitaient chaque jour le temple de Karnak ou la vallée des Rois sont loin. En cette période de fête, dans le souk, les touristes se comptent sur les doigts des deux mains. Quelques dizaines d'autres déambulent dans le temple de la reine Hatchepsout, qui régna il y a 3500 ans sur le pays des Pharaons.
 
Dans tous ces sites, où l'on se frayait difficilement un passage en 2010, on n'aperçoit plus que quelques silhouettes entre les imposantes colonnes. Pour beaucoup, des guides désœuvrés.

Dans sa maison, trois pièces en terre battue, dont une courette où vivent son cheval et quelques poules, Salah refait inlassablement ses comptes: «J'avais un autre cheval, mais je l'ai vendu. Est-ce qu'il vaut mieux que je nourrisse deux animaux ou mes enfants?» Et d'ajouter que parmi les 340 conducteurs de calèches de Louxor, une vingtaine ont vu leur animal mourir de faim. Alors pour nourrir celui qui était son gagne-pain, et celui de son père avant lui, il va cueillir de la verdure dont il ramène de lourds sacs quand il ne peut payer ses 16 livres de fourrage quotidien.
              
Salah est loin d'être un cas isolé. Aujourd’hui, Louxor est une ville fantôme: le tarmac de l'aéroport est désespérément vide, calèches et taxis sont à l'arrêt devant des hôtels où personne ne descend.

«Une pauvreté jamais vue» 
La révolution de janvier 2011 a porté un rude coup au tourisme, mais le coup de grâce est arrivé au cours de l’été 2013. Avec la destitution du président islamiste Mohamed Morsi par l'armée et la violente répression de ses partisans (plus de 1000 morts), la plupart des capitales étrangères ont imposé des restrictions drastiques à leurs ressortissants qui se rendent en Egypte.

A Louxor, jusqu'ici épargnée par les violences, guides et vendeurs en veulent terriblement à Mohamed Morsi et à sa confrérie des Frères musulmans, accusés d'avoir fait fuir les touristes. Pour retrouver la stabilité, tous n'attendent qu'une chose: la fin de la transition promise par l'armée, avec des élections prévues mi-2014.
 
La vice-consule honoraire de France à Louxor, Marie-France Gerber, vit depuis 14 ans en Egypte. Elle y observe «une pauvreté jamais vue», même si «depuis quelques semaines, il y a eu un assouplissement des restrictions».

Le gouverneur de Louxor, Tareq Saadeddine, lui, se veut optimiste: «Il y a trois mois, le taux d'occupation était de moins de 1%. Aujourd'hui, il atteint 18% et cela augmente. Les bateaux ont recommencé à sortir du port : sur 255, un seul continuait à naviguer. Désormais, ils sont 28», explique-t-il.

Dans le souk, les rares vendeurs qui ouvrent encore leur boutique réfutent ces chiffres. Tel Mohamed Hussein qui jure n'avoir rien vendu depuis des mois. Si ses collègues et lui-même survivent, raconte-t-il, c'est en piochant dans leurs économies et en vendant les bijoux de leurs femmes. Comme beaucoup d'autres, il ne peut plus payer l'électricité de son échoppe «depuis six mois».

Pour attirer les rares touristes, tous bradent leurs bibelots, et certains prennent le parti d'en rire: «Ici, c'est moins cher qu'à Tati», clame une pancarte en français en référence à un célèbre magasin de l’Hexagone à bas coûts. Le vendeur renchérit, dans un français parfait: «C'est tellement peu cher que tu peux même acheter des cadeaux pour les gens que tu n'aimes pas!»

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