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Jean-Yves Le Drian au Caire : "La situation n'a jamais atteint cette limite en matière de parole interdite" en Égypte

Le chercheur Hasni Abidi a expliqué dimanche sur franceinfo que "la situation en matière de libertés publiques et de libertés privées est très alarmante et même inquiétante" en Égypte.

Article rédigé par franceinfo
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Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian à Paris, le 27 avril 2018. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian se rend en Égypte dimanche 29 avril. Il doit rencontrer notamment le président Abdel Fattah al-Sissi, réélu début avril avec plus de 97% des voix. Hasni Abidi, directeur du centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) à Genève (Suisse), a affirmé sur franceinfo que "la situation n'a jamais atteint cette limite en matière de parole interdite" en Égypte.

franceinfo : De quelle nature sont aujourd'hui les rapports entre Paris et Le Caire ?

Hasni Abidi : Les rapports sont excellents, car ils sont d'abord basés sur une relation d'amitié entretenue depuis plusieurs années par le maréchal Abdel Fattah al-Sissi et surtout par le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui est l'homme qui a le mieux vendu des armes en Égypte. Le Caire est devenu aujourd'hui un client très important pour la France. Le deuxième élément important, qui est à mon avis le pilier de cette relation, c'est que la France cherche un partenaire solide et fiable dans sa nouvelle politique étrangère au Moyen-Orient. Et elle ne voit pas outre que l'Égypte pour jouer ce rôle de partenaire et même d'entrepreneur pour la diplomatie française. On sait très bien que l'Egypte garde en main certains dossiers très importants, et il se trouve que ces dossiers sont aussi prioritaires pour la diplomatie française.

Malgré son bilan catastrophique au niveau des droits de l'Homme, le président Al-Sissi est-il toujours plébiscité par les Occidentaux ?

Selon toutes les organisations de défense des droits de l'Homme, la situation aujourd'hui en matière de libertés publiques et de libertés privées est très alarmante et même inquiétante. Le président Hosni Moubarak avait toujours laissé certaines sorties de secours, certains espaces d'expression, aujourd'hui la situation est très difficile. Surtout qu'elle n'est pas difficile seulement pour les adeptes des Frères musulmans, qui ont gouverné l'Egypte, et dont le président est toujours en prison. Elle est difficile aussi pour les mouvements de jeunes, pour les mouvements d'avocats, et surtout pour les journalistes. Aujourd'hui il est devenu très difficile d'exprimer la moindre critique à l'égard du président et du gouvernement, et même pour parler des manifestations en faveur du président ils ont besoin d'une autorisation. Donc la situation n'a jamais atteint cette limite en matière de parole interdite et de parole bafouée par le pouvoir.

Le président al-Sissi reste-t-il un gage de stabilité dans la région ?

Oui c'est un gage de stabilité car l'Égypte joue un rôle important dans conflit isréalo-palestinien, et ses relations avec l'autorité palestinienne et le Hamas. Israël veut absolument que le président al-Sissi continue cette médiation. Le deuxième élément aujourd'hui c'est que le terrorisme est devenu la seule menace perçue par l'Occident. Et ce dernier finalement préfère gérer et traiter avec des chefs d'État qui se placent contre le terrorisme. Même si le prix, la facture, est un dépassement inimaginable en matière de droits de l'homme.

L'Égypte a signé 6 milliards d'euros de contrats avec Paris, notamment en achetant six avions rafales. Est-ce que l'Égypte est un pays stratégique aujourd'hui pour le commerce français comme peuvent l'être les pays du Golfe ?

L'Égypte n'a pas les moyens de sa politique d'extension et même en matière d'achat d'armement, même si elle veut figurer parmi les meilleurs clients de la France. On sait que certains achats ont même été négociés pour être payés en partie par les États du Golfe. L'Égypte fait face à une menace terroriste, notamment dans le Sinaï et c'est pourquoi certains États acceptent de vendre des armes et surtout des équipements militaires même si les conditions de paiement, de financement ne sont pas les mêmes que dans d'autres États.

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