Egypte : pourquoi les Etats-Unis sont pris pour cible par les anti-Morsi
Dans les cortèges, les manifestants se déchaînent contre Obama. Francetv info vous dit pourquoi Washington n'ont pas la cote dans le pays.
Dans la foule des opposants à Mohamed Morsi réunis sur la place Tahrir du Caire, en Egypte, les pancartes anti-Obama sont presque aussi nombreuses que celles critiquant le président déchu et les Frères musulmans, dont il est issu. "Obama est un partisan des terroristes", "Obama-Ben Laden même combat : toi aussi tu finances le terrorisme", ou encore "Tais-toi Obama et quitte le pays", peut-on ainsi lire dans les rassemblements, compile le site américain Buzzfeed, lundi 8 juillet.
"Une des rares certitudes dans la situation tumultueuse que connaît l'Egypte cette semaine est que le prestige et l'influence des Etats-Unis sont en berne", observe ainsi le Washington Post (en anglais). Francetv info vous explique pourquoi Washington n'a pas la cote en Egypte.
Parce qu'Obama n'a pas critiqué les Frères musulmans
Le principal reproche des manifestants concerne l'attitude la Maison-Blanche durant la période d'exercice du pouvoir du président Morsi et de son parti islamiste. Lors de cette année et demi, les Etats-Unis n'ont en effet jamais utilisé l'aide qu'ils versent à l'Egypte (1,5 milliard de dollars, près d'1,15 milliard d'euros) pour "influencer les choix de Morsi et dénoncer la répression", comme le note le site The Daily Beast. Cette discrétion a été considérée comme un soutien par la population, qui cible depuis Barack Obama.
Une mauvaise interprétation, selon Washington. "L'administration Obama souhaitait avant tout favoriser l’enracinement des institutions démocratiques, avec la participation des Frères musulmans, mais pas leur domination", explique Marc Lynch, professeur de science politique, dans un article publié dans le magazine Foreign Policy traduit par slate.fr. Pour la Maison-Blanche, si ce soutien au processus démocratique avait porté ses fruits, les Frères musulmans auraient été sanctionnés dans les urnes, et non par ce renversement.
En outre, les Frères musulmans ont donné des gages de bonne volonté aux Etats-Unis en ne remettant pas en cause le traité de paix avec Israël, signé en 1979, et en renforçant la lutte contre le trafic d'armes dans le Sinaï, comme le détaille Le Figaro.
Parce qu'Obama n'a pas soutenu les anti-Morsi
Une fois l'élan révolutionnaire lancé, le silence de Barack Obama a convaincu ses derniers supporters au sein de l'opposition de lui faire défaut. Après huit mois de manifestations, le président américain n'a vraiment pris ses distances avec Morsi que le 1er juillet, par un coup de téléphone : "La démocratie, ce n'est pas seulement des élections", a ainsi expliqué Barack Obama à son homologue.
Comme la majorité des dirigeants occidentaux, le leader américain n'a pas caché son malaise après le renversement du président égyptien, élu démocratiquement. Loin de s'enthousiasmer, il s'est empressé d'appeler à l'élection rapide d'un nouveau gouvernement civil et a eu toutes les peines du monde à éviter le terme de coup d'Etat. La législation américaine interdit en effet l'aide directe à un pays dont le chef d'Etat ou de gouvernement a été victime d'un coup d'Etat dans lequel l'armée a joué un "rôle décisif ".
Des atermoiements qui ont lassé les opposants. Pour preuve, le quotidien Al-Tahrir titrait ainsi sa une, au lendemain du renversement de Morsi : "C'est une révolution, pas un coup d'Etat militaire, M. Obama", comme le rapportait Le Monde.
Parce que l'ambassadrice a sermonné les opposants
Régulièrement conspuée, l'ambassadrice américaine en Egypte, Anne Patterson, est l'une des cibles privilégiées des manifestants. Ils lui reprochent d'avoir qualifié, à plusieurs reprises, l'ancien gouvernement de "légitime", d'avoir affirmé que la liberté d'expression avait progressé depuis l'arrivée au pouvoir des Frères musulmans, et surtout d'avoir passé sous silence les mesures quasi-autoritaires du gouvernement.
La diplomate s'est également permis de sermonner l'opposition, en soutenant que "ce n'est que par les élections que la démocratie se réalise, et que Mohamed Morsi n'est pas Hosni Moubarak", rapportait Le Monde le 25 juin. Résultat, place Tahrir, son portrait caricaturé est affiché avec la mention "Hayzaboon" (vilaine femme).
Les opposants ont enfin été furieux d’apprendre qu'Anne Patterson s’était entretenue plus de trois heures avec l’un des grands chefs des Frères musulmans à la veille du déclenchement de la crise, sans être capable de pousser le mouvement à faire des concessions.
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