Tunisie : quand le sucre vient à manquer
De nombreuses entreprises sont obligées de réduire, voire d'arrêter, leurs activités à cause des pénuries.
Les photos de rayons vides des grandes surfaces, publiées sur la Toile, montrent l'étendue des pénuries alimentaires en Tunisie. Selon le site d'information Réalités, la production du yaourt, du biscuit, des boissons gazeuses et des jus de fruits serait suspendue dans plusieurs zones industrielles du pays à compter de ce jeudi 8 septembre 2022. Raison : pénurie de sucre.
"Sans farine, sans sucre ou sans beurre, on ne peut pas travailler", confirme à l'AFP Radhia Kamoun, PDG de Gourmandise, une enseigne qui dispose de 26 boutiques en Tunisie et emploie plus de 600 personnes. "Lorsque les pénuries ont commencé, on s'est mis à utiliser moins de sucre et de café dans nos pâtisseries, mais on ne peut pas faire sans beurre", explique-t-elle.
Importation d'Algérie
Selon la presse locale, pour faire face à la pénurie de sucre dans l'urgence, la Tunisie s'est tournée vers son voisin algérien pour en importer 20 000 tonnes. Or selon Réalités qui cite des sources économiques, la livraison qui devait arriver mercredi 7 septembre, par voie terrestre, n'a pas encore été réceptionnée. Cette pénurie, qui remonte au début de l'été, affecte lourdement tous les secteurs.
Depuis plusieurs semaines, dans la banlieue de Ben Arous au sud de la capitale Tunis, une file de camionnettes se forme chaque jour devant l'usine de la Société de fabrication des boissons de Tunisie (SFBT), qui embouteille notamment le Coca-Cola et le Boga, le soda national. Faute de quantités suffisantes de sucre, l'usine tourne au ralenti et les camionnettes de distribution doivent attendre des heures durant pour charger les caisses de boissons gazeuses. "Nous avons commencé à ressentir ce problème à la fin du mois de juin avec un grand manque des quantités (de sucre) que met à notre disposition l'Office du commerce", explique à l'AFP Souheil Boukhris, représentant syndical de l'usine.
Subventions
Le ministre des Affaires sociales, Malek Zahi, a reconnu fin août que le pays était confronté à des pénuries, les imputant à des "perturbations des chaînes d'approvisionnement et la hausse des prix et des coûts du transport au niveau mondial", dans le contexte de la guerre en Ukraine. Mais l'expert économique tunisien Moez Hadidane estime que la crise est surtout due "aux problèmes financiers" de l'Etat tunisien et ses faibles réserves de devises. Le niveau de ces dernières ne permet plus à la Tunisie de jouer l'Etat-providence selon des économistes.
"Les navires chargés de céréales étaient bel et bien dans les ports tunisiens sauf qu'ils n'étaient en pas mesure de décharger leurs cargaisons car l'office était en difficulté financière", témoigne Alexandre Arrobbio, réprésentant de la Banque mondiale en Tunisie, cité par l'agence TAP. Pour la Banque mondiale, le système de subventions des céréales est arrivé à un "point de non retour". Elle recommande une réforme ciblant les ménages à revenus modestes plutôt que les subventions sur les prix.
La Tunisie est en négociation avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt d'environ deux milliards de dollars afin de faire face à sa grave crise financière, qui a empiré depuis que le président Saied s'est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.
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